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La Lausannoise Claire Genoux déroule sa langue poétique dans un récit publié à Paris

Un père et un fils vivent à l’orée d’un bois, dans une vieille maison que l’on devine pleine de noirs secrets. «Père» n’est pas aimant, il n’a «jamais réchauffé le corps pendant l’enfance». Lorsqu’il est écrasé par un arbre (du moins, c’est ce qu’on dit), Lynx, son fils mutique, fasciné par la forêt, se retrouve seul héritier de la maison délabrée et de ses lourds souvenirs. Lynx ne sait pas mettre les mots sur les choses. Pour cela, il aura besoin de l’aide de Lilia, cette jeune mère qui travaille à la buvette voisine. Elle aussi est victime d’un homme maltraitant, le père de son enfant, mais elle a un pouvoir fascinant: elle sait écrire. C’est elle qui saura remettre en place, soigner la réalité, alors que la canicule fait rage et que la forêt entoure les personnages de son mystère, menaçant de les «engloutir».
Dans la forêt des mots
Ce pouvoir de l’écriture, Claire Genoux le possède aussi, romancière, poétesse (Prix C. F. Ramuz de poésie en 1999). On se laisse emporter par son flux de mots qui revient sans cesse aux mêmes images, obsessions, jusqu’au ressassement. Mais à la moitié du livre, le style semble une forêt trop dense, qui laisse peu d’espace, peu de jeu, à l’imagination du lecteur. Ou alors, au contraire, l’écrivaine a-t-elle aménagé des allées trop bien soignées, trop rectilignes, dans la forêt de ses mots? (Cette habitude de préciser, de souligner, ce qui pour le lecteur était déjà de l’ordre de l’évidence?) Les personnages sont présents d’emblée, devant le lecteur, de même que la forêt. Quelques mots suffisent à leur puissante évocation. Puis la vitesse du récit, sa fulgurance, est alourdie par trop de redites et de beauté, qui finissent par aplanir les reliefs.
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Claire Genoux place au centre du livre la figure de Lilia, son double, magnifique portrait d’écrivaine. A travers elle, elle fait l’éloge de l’écriture comme pouvoir magique permettant de tout réconcilier, de redonner à chacun sa place, ou du moins de rendre le monde habitable. Quitte à ce qu’il perde de son mystère. «C’est ça qui est composé en mots dans le livre, Lynx pourra sans cesse y revenir, entrer dans les phrases, se laisser couler dans cette imagination. Lilia a vissé bien la grammaire. Le livre tient solide avec les structures. C’est découpé juste les épisodes et correctement planté. C’est comme si Lilia avait débarrassé la maison, nettoyé les saletés et les pourrissures. On pourra même rouvrir les portes sans que ça grince. Tout est poncé et net. La vie ne sera plus pareille.»
Roman
Claire Genoux
Lynx
José Corti, 206 p.