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Comme lecteur, êtes-vous fonceur ou flâneur?

Lorsqu’on aborde un livre, attention à la vitesse de lecture…

En lecture, comme en conduite, attention aux excès de vitesse! — © Studiostoks / 123RF
En lecture, comme en conduite, attention aux excès de vitesse! — © Studiostoks / 123RF

On me demande, parfois – assez souvent même – combien de livres je lis par semaine, pour pouvoir exercer en toute connaissance de cause mon métier de chroniqueuse littéraire. Or ma réponse est la plupart du temps déceptive pour celui ou celle qui la pose: «Tout dépend», dis-je. Dépend de quoi? «Eh bien, des livres!» Mais enfin combien en lisez-vous? L’autre a beau s’obstiner, moi, je ne réponds pas. Je ne peux pas vraiment répondre d’ailleurs, même si, de guerre lasse, j’articule parfois un chiffre.

Eh oui, le fait est que l’unité du livre n’est pas la meilleure jauge pour juger de réelles capacités de lecture. Pour commencer, les livres ont des longueurs très variables. De 80 à 800 pages, il n’y a au fond qu’un zéro de plus. Mais il est clair que le temps qu’il faut pour les lire n’a rien à voir.

Mais il y a plus subtil et qui rend plus impossible encore une véritable quantification des capacités de lecture. Cela n’a d’ailleurs par échappé à Eric Chevillard qui, à l’occasion, a fait la remarque suivante: «Toute lecture bien comprise est d’ailleurs affaire de vitesse. Il suffit de trouver la bonne. Il en est une adaptée pour chaque écrivain qui sera fatale au lecteur s’il n’en change pas en s’engageant dans le livre d’un autre.»

Le livre bourbier, le livre toboggan

Voilà la principale raison de mes tergiversations. Tous les livres n’ont pas la même vitesse de lecture, en aucun cas. Chaque livre est comparable à un terrain, à une route peut-être dont le revêtement est plus ou moins fluide. Certains sont de vrais bourbiers, même si leur argile est fine et précieuse, vous avancez doucement, vous vous harassez. Il faut progresser pas à pas, incroyablement lentement. D’autres vous invitent sans cesse à la flânerie. Vous lisez un paragraphe et hop, vous vous arrêtez pour réfléchir, pour contempler le paysage, prendre une note, ouvrir un autre livre. De halte en halte, vous avez beau cavaler entre les pages, vous avancez aussi gaiement que lentement.

D’autres livres ont des allures de toboggans. Ils vous happent, vous attirent irrésistiblement vers la fin, vous font accélérer terriblement, quitte à vous priver de toute impression au passage, mais qu’importe, il faut conclure. Attention aux excès de vitesse. D’autres encore, vous promènent tranquillement, déroulent leur petite musique comme une promenade en calèche au bois de Boulogne, un cattleya à la boutonnière. Bref, la vitesse de lecture possède d’infinies variations.

Ceci dit, je n’ai encore jamais rencontré de livre parfaitement immobile. Seul le cahier blanc, ou le livre sous blister, est à même de vous procurer cette sensation. On comprendra dès lors à quel point la réponse à la question – combien de livres lisez-vous par semaine – est impossible. Mais là où la quantification pêche, on peut commencer à discuter, à rêver, à s’expliquer ce que les livres sont réellement.