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L’éthique de la nature est désormais cartographiée

Enseignant à l’UNIL, Gérald Hess signe un ouvrage limpide et de référence sur l’éthique environnementale

Genre: Philosophie Qui ? Gérald Hess Titre: Ethiques de la nature Chez qui ? P.U.F., coll. Ethique et philosophie morale, Paris, 422 p.

On manquait en français d’une belle synthèse consacrée aux différentes éthiques de la nature, discipline pourtant foisonnante à travers le monde depuis le début des années 1970. Cette lacune est aujourd’hui comblée, et de remarquable manière, par le Lausannois Gérald Hess, qui publie aux P.U.F. Ethiques de la nature, un ouvrage riche, dense, bien informé et – ce n’est pas la moindre de ses qualités – parfaitement maniable. L’auteur, aujourd’hui enseignant en philosophie, est juriste de formation, et cela se ressent tant dans le style sobre et précis de sa langue que dans l’articulation méticuleuse de son exposé. Il dépelotonne en effet l’écheveau particulièrement complexe de l’éthique environnementale en un tableau synoptique d’une clarté exemplaire.

Efficacité pédagogique

L’écheveau est d’autant plus complexe que s’entrecroisent en ce domaine tant différentes conceptions de la nature, différentes conceptions de l’éthique que différentes conceptions de la valeur… Cela fait beaucoup de combinaisons possibles, mais Hess les expose avec une grande efficacité pédagogique, tout au long de la première partie de l’ouvrage. Mais c’est en réalité la deuxième partie du livre qui est la plus intéressante et la plus utile, celle qui expose au fil d’une typologie devenue aujourd’hui presque classique les différentes éthiques environnementales elles-mêmes, les classant en fonction du type de centrisme qui les anime: anthropocentrisme (l’homme), pathocentrisme (souffrance), biocentrisme (vie), écocentrisme (l’écosystème ou la nature dans son ensemble). Il en résulte un classement en cercles concentriques, qui étendent progressivement le domaine de ce qui est ou devrait être respectable pour l’homme, fondant à chaque fois des attitudes différentes à l’égard de la nature.

On saluera surtout la qualité et l’ampleur de la discussion menée avec chacune des positions discutées, discussion qui souvent élargit intelligemment le spectre des arguments traditionnels en la matière – même si certaines thèses, comme celle de Luc Ferry par exemple, sont trop sommairement et trop injustement liquidées.

Mais le seul véritable regret que l’on puisse nourrir après la lecture de ce beau travail est de n’avoir accordé aucune place à la représentation de la nature issue, depuis 2002, des sciences dites «convergentes» (nano-, bio-, info-, cogno-), qui font de celle-ci une machine que nous pourrions imiter, mais en mieux. Il résulte de cette vision hyperconstructiviste inédite une éthique évidemment très particulière, qui n’est nullement abordée ici. Le tableau eût été plus complet, mais ne faisons pas la fine bouche: le livre de Hess fera désormais référence dans le domaine.