Efficacité pédagogique
L’écheveau est d’autant plus complexe que s’entrecroisent en ce domaine tant différentes conceptions de la nature, différentes conceptions de l’éthique que différentes conceptions de la valeur… Cela fait beaucoup de combinaisons possibles, mais Hess les expose avec une grande efficacité pédagogique, tout au long de la première partie de l’ouvrage. Mais c’est en réalité la deuxième partie du livre qui est la plus intéressante et la plus utile, celle qui expose au fil d’une typologie devenue aujourd’hui presque classique les différentes éthiques environnementales elles-mêmes, les classant en fonction du type de centrisme qui les anime: anthropocentrisme (l’homme), pathocentrisme (souffrance), biocentrisme (vie), écocentrisme (l’écosystème ou la nature dans son ensemble). Il en résulte un classement en cercles concentriques, qui étendent progressivement le domaine de ce qui est ou devrait être respectable pour l’homme, fondant à chaque fois des attitudes différentes à l’égard de la nature.
On saluera surtout la qualité et l’ampleur de la discussion menée avec chacune des positions discutées, discussion qui souvent élargit intelligemment le spectre des arguments traditionnels en la matière – même si certaines thèses, comme celle de Luc Ferry par exemple, sont trop sommairement et trop injustement liquidées.
Mais le seul véritable regret que l’on puisse nourrir après la lecture de ce beau travail est de n’avoir accordé aucune place à la représentation de la nature issue, depuis 2002, des sciences dites «convergentes» (nano-, bio-, info-, cogno-), qui font de celle-ci une machine que nous pourrions imiter, mais en mieux. Il résulte de cette vision hyperconstructiviste inédite une éthique évidemment très particulière, qui n’est nullement abordée ici. Le tableau eût été plus complet, mais ne faisons pas la fine bouche: le livre de Hess fera désormais référence dans le domaine.