L’excentrique docteur Festus en orbite
Récit
AbonnéPiquante satire, «Voyages et aventures du docteur Festus», récit publié par le Genevois Rodolphe Töpffer en 1840, fait toujours rire aujourd’hui

Le docteur Festus part sur son mulet entamer un grand voyage d’instruction. Après avoir lu 62 000 volumes en 22 langues, il est temps pour lui d’aller observer le monde en chair et en os. Impossible de résumer les péripéties qui s’ensuivront, entre rêve et éveil, et qui le conduiront, projeté sur une aile de moulin, à évoluer en orbite autour de la Terre.
Admiré par Goethe
Il croisera le chemin de brigands, de conspirateurs, de la belle Milady, d’astronomes et de savants… Mais jamais le bon docteur ne perdra son esprit d’analyse scientifique, lui qui est féru de syllogismes. Par cette savoureuse satire, le lecteur apprendra pourquoi le Léman, ou «Eaubelle», sera rebaptisé «lac des cochons», «au grand déplaisir des poètes du pays».
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Voyages et aventures du docteur Festus a reçu les encouragements élogieux de Goethe en personne. Le Genevois Rodolphe Töpffer l’a élaboré dès 1827 en estampes, avant de le transposer en texte et de le publier simultanément à Paris et à Genève, en 1840. Parmi 100 histoires imaginées dans ces pages, celle des trois perruques constitue un bel exemple de l’humour de Töpffer. La voici. Trois astronomes perdent leurs perruques dans l’explosion d’un paquebot. Une fois projetées dans les airs, on croit découvrir en elles de nouveaux satellites. Les «perruques satellites» finissent par s’abîmer en mer… Repêchées, elles seront considérées comme d’admirables crustacés, et achetées fort cher par un musée pour enrichir ses collections.
Joyeux et pétaradant
Töpffer s’inspire de Gargantua, de Don Quichotte, de Gulliver… Rien ne résiste à sa critique drolatique égratignant les prétentions des savants, des pédagogues et des politiciens. Farouchement opposé au «progrès», c’était un «ennemi de la démocratie, de l’industrialisation et de la vie moderne sous tous ses aspects», rappelle l’universitaire Philippe Kaenel dans sa préface. En 1840, le Journal de Genève n’appréciera pas du tout ce livre joyeux et pétaradant: «Cette poursuite, cette recherche incessante du laid, fatigue à la longue et flétrit le cœur.» En 2023, force est de constater que le bon docteur Festus n’a, au contraire, rien perdu de son allant ni de son panache.
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Récit. Rodolphe Töpffer, «Voyages et aventures du docteur Festus», suivi de «Un Printemps avec Monsieur Töpffer» de Pierre Girard, Editions Florides helvètes, 152 p.