Librairies romandes: l’atout Joël Dicker
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Alors que paraît aujourd’hui son nouveau roman, «La Disparition de Stephanie Mailer», l’écrivain entame une tournée de dédicaces, de Genève au Locle. Un soutien fort pour des enseignes en pleine mutation face au numérique

La Disparition de Stephanie Mailer, le nouveau roman de Joël Dicker, paraît aujourd’hui (lire LT du 24.02.2018). Avec un premier tirage à 300 000 exemplaires et déjà plusieurs dizaines de traductions prévues. Le décor ne serait pas complet si on ne rappelait pas que le premier succès de l’écrivain genevois, La Vérité sur l’affaire Harry Quebert, en est à 3 millions d’exemplaires vendus et que l’adaptation télévisée signée Jean-Jacques Annaud est attendue ces prochains mois.
Dans ce contexte, Joël Dicker entame, aujourd’hui également, sa tournée de signature dans les librairies. Selon une certaine logique commerciale, on aurait pu s’attendre à ce qu’il réserve le «vernissage» du livre à une grande enseigne parisienne, cœur du plus grand marché francophone. Pas du tout. Cette première dédicace aura lieu dans une petite librairie, Atmosphère à Genève. Ce choix n’a rien d’anecdotique. Il est même un symbole à lui tout seul. Et dit beaucoup de Joël Dicker et du monde des libraires.
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Fils de libraire
Joël Dicker est un passionné de librairies, petites et grandes, partout où il va. Mettre son succès au service de ces lieux a été une constante. «On a de la chance. Il a conscience de l’importance du rôle de la librairie dans la vie d’un livre. Ce n’est de loin pas le cas de tous les auteurs de best-sellers. Le fait qu’il soit fils de libraire n’y est peut-être pas étranger», estime Pascal Vandenberghe, PDG de Payot Libraire, qui organise six rencontres avec l’écrivain.
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A La Librerit, à Carouge, on est en train d’empiler les exemplaires de La Disparition de Stephanie Mailer en vue de la dédicace du 3 mars. «Il y a chez Joël une élégance et une décontraction face à la réussite qui enchantent le public. Il insuffle beaucoup d’énergie», estime Véronique de Sépibus, propriétaire de la librairie où travaille aussi Myriam Dicker, mère de l’écrivain. Depuis 2012, l’enseigne de livres pour enfants a acquis une aura particulière auprès des fans de Joël Dicker. «Vous êtes la maman?» demandent souvent les curieux, à l’une ou l’autre libraire.
L’équipe a appris aussi à gérer la foule. En 2015, à la parution du précédent titre de Dicker, 200 livres attendaient le public pour la séance de dédicace. Or 500 personnes ont finalement fait le déplacement. «On a dû appeler en catastrophe L’Age d’Homme à Lausanne, coéditeur du livre à l’époque: «Faites venir un camion, vite, avec 300 exemplaires supplémentaires!» se souvient Véronique de Sépibus, qui a prévu large du coup pour samedi.
Partage des expériences
Une euphorie vécue comme une bouffée d’oxygène financière. Parce que le quotidien n’est pas toujours rose. Janvier 2017 a même été tendu. Pour de nombreuses librairies francophones d’ailleurs. Il suffit que l’Hexagone soit en année électorale pour que les éditeurs français publient moins. Sans auteurs phares, les ventes de livres fléchissent.
«Début 2017, nous avons eu des semaines sans aucune vente. J’ai envoyé des mails à nos clients fidèles pour leur expliquer, avec humour, la situation. Et ça a marché, on est reparti», raconte Véronique de Sépibus. Malgré cette volatilité des rentrées, le moral est à la hausse. «Notre clientèle est de plus en plus consciente de ce que les librairies peuvent apporter par rapport à la vente en ligne: un conseil hyper-personnalisé, un partage des expériences. Pour la littérature jeunesse, c’est apprécié.»
Du bio et des livres
Les dédicaces d’écrivains participent de la transformation en cours des librairies. Mettre l’humain au centre pourrait en être la devise. Tout ce que le numérique ne peut pas vendre, en somme. «Les lecteurs qui se mobilisent pour une vie différente comptent parmi les fidèles des librairies. Critiques par rapport à la grande distribution, ils achètent bio et se détournent d’Amazon», constate Véronique Rossier, présidente de l’Association professionnelle des libraires de Suisse romande.
«Jusqu’en 2012, nous organisions une centaine de rencontres d’auteurs par an dans les librairies Payot, se souvient Pascal Vandenberghe. Nous en sommes à 500 par an. Les librairies se muent en lieu de vie autour du livre.» Prêts à faire face au portail suisse que doit ouvrir Amazon cette année? «Le livre est marginal dans l’offre de la multinationale et le marché suisse romand beaucoup trop petit pour être intéressant. On ne sera pas impacté.» Prêts donc.