Roman
Commençant par l’assassinat d’un enfant, le nouveau cauchemar du maître du fantastique passe du roman noir à de plus sombres mystères. Un roman abordable, comme un résumé du King des années 2010

Le crime va loin dans l’horreur. Un garçon de moins de 12 ans est retrouvé assassiné, violé avec une branche, dans un parc de la petite ville de Flint City, Oklahoma. Pis, l’agresseur a arraché et mangé des morceaux du corps.
L’histoire commence quand des témoignages accablants tombent les uns après les autres. Les policiers, emmenés par l’inspecteur Ralph Anderson, ont plusieurs personnes désignant Terry Maitland d’abord emmenant l’enfant dans son van au motif d’un problème de vélo, puis vu dans le parc, couvert de sang. Même sa fuite, ratée, est décrite par une chauffeuse de taxi. Or Terry est une figure de la ville, entraîneur de baseball et maître de l’équipe locale, coach de bien des écoliers – dont le fils de Ralph. Procureur et policiers choisissent d’arrêter le suspect en plein match. La démarche provoque un coup de tonnerre dans la ville. Et Terry aligne les alibis, toujours plus solides…
Un début comme un thriller solide
Le dernier roman en date de Stephen King démarre comme un thriller à la mécanique particulièrement bien rodée. Le maître de l’épouvante est à l’aise, au fond, dans le registre du roman noir, qu’il plie à son monde et ses personnages toujours populaires. On peut même déceler un clin d’œil puisque, comme son premier roman Carrie en 1974, L’outsider est en partie constitué, à ses débuts, de documents officiels, les interrogatoires des témoins.
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Dans un deuxième temps, l’écrivain cloue son lecteur au sol avec une scène étourdissante autant qu’imprévue. Puis, c’est Stephen King, les choses deviennent de plus en plus bizarres.
Des échos des précédents romans
On ne dévoile rien en conseillant aux curieux de lire la trilogie de Bill Hodges (Mr Mercedes, Carnets noirs et Fin de ronde), car L’outsider y est lié – on ne dit rien de plus. Mais c’est là le côté appréciable de ce nouveau roman, qui revient à l’histoire récente de l’auteur et ses créations, non pour l’exploiter jusqu’à l’os, mais comme si ce monde-là existait avec une telle réalité que ses personnages peuvent se retrouver ailleurs, un peu plus tard.
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Sous la réserve de la petite condition proposée, lire les opus précédents, L’outsider se présente comme un roman d’une lecture étonnamment aisée, pour le Stephen King des années 2010 qui, depuis plus d’une décennie, prend parfois de sinueux détours dans ses constructions. Ici, la donne de base est aussi atroce que simple, et si le déroulement se complexifie, il ne s’embrume jamais.
Le mystère est plus excitant que sa résolution
On pourrait regretter le troisième tiers, là où survient quelque chose d’autre; c’est le cas typique d’une histoire dans laquelle le mystère se révèle bien plus excitant que sa résolution.
Par la relative unicité du mal, par son cheminement linéaire, ce roman représente un résumé de l’horreur du maître, une sorte de petit King résumé: thèmes, obsessions et méthode détaillés sans excès ni détails. Au reste, Albin Michel a récemment publié une nouvelle édition d’Anatomie de l’horreur, le livre manifeste du sorcier du Maine. L’outsider forme ainsi un bréviaire du King fin 2010 – comme pour passer à autre chose? Un roman court est annoncé en traduction pour avril.
Notre hommage après avoir entendu l'auteur:Maître King.
Roman
Stephen King
Traduit de l’anglais par Jean Esch
L’outsider
Albin Michel, 576 p.