Petit-fils d’esclave, Jesse Owens gagne quatre médailles d’or aux Jeux olympiques de Berlin. On est en 1936, l’apartheid sévit aux Etats-Unis et le nazisme prospère en Allemagne.
Elise Fontenaille place ses caméras, enchaîne travellings et plans rapprochés; elle montre les noirceurs d’une époque, mais aussi ses paradoxes, ses éclats de générosité. L’auteure cherche l’humain à chaque virage.

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L’Amérique de Jesse Owens, c’est celle du Ku Klux Klan, dont les crimes impunis fracassent son enfance, celle des lois raciales, du travail éreintant et de la pauvreté. Alors la famille prend le train pour le Nord, où elle espère une vie un peu meilleure. Ce sera pour l’adolescent le lieu de deux rencontres essentielles, avec l’amour de sa vie, Ruth, et avec Charles Riley, magnifique entraîneur, qui lui ouvre sa maison et les portes du succès.

Et il y a cette consécration magique, ces médailles si humiliantes pour le régime nazi qui se réjouissait de démontrer, par ces Jeux, la supériorité de la race aryenne… Un roman vif, au souffle court, plus proche du commentaire sportif que de l’épopée, avec des répétitions qui étonnent parfois, mais sans fioriture, sans gras, affûté comme un corps de sprinter.

Les mots sont des armes

Que fait-on lorsqu’on parle? Que dit-on de nous, de notre vision du monde, de notre rapport aux autres? Lucy Michel l’affirme en préambule de Ce que pèsent les mots: parler, c’est «trier, classer, hiérarchiser, discriminer, agir sur le monde». Très vite on plonge dans le sujet: une agression sexuelle nommée «dérapage», un féminicide présenté comme un drame conjugal, des raccourcis racistes…

Docteure en linguistique et agrégée de lettres, l’auteure utilise non seulement les termes (les vrais, les insultes, les surnoms odieux), mais aussi les situations qui parlent aux adolescents. Elle montre que les mots sont des armes, que le langage est politique, et la grammaire un leurre bien pratique: «le masculin l’emporte sur le féminin» – la genèse de cette règle vous surprendra.

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Les illustrations de Mirion Malle sont au diapason du texte: libres, sans tabous ni complexes, et parfaitement éloquentes! Donner aux jeunes les clés de compréhension et d’utilisation d’une mécanique qui peut être aussi constructive que destructrice: voilà une initiative formidable.


Elise Fontenaille
Jesse Owens. Le Coureur qui défia les nazis
Rouergue, 96 p.
Dès 12 ans

Lucy Michel
Mirion Malle
Ce que pèsent les mots
La Ville brûle, 64 p.
Dès 13 ans