Les adorateurs de la trilogie initiale signée Stieg Larsson le remarqueront immédiatement: le nom du père de la formidable saga nordique – vendue à 80 millions d’exemplaires après sa mort – n’apparaît nulle part sur la couverture de La Fille qui rendait coup sur coup. La messe est dite: après Ce qui ne me tue pas, David Lagercrantz a bien été intronisé auteur officiel de Millénium.

Une messe bien sombre, dont l’intrigue mêle habilement de sales et lourds secrets historiques de la bonne société suédoise et la transformation de sa société actuelle. Le livre s’ouvre sur une prison pour femmes où Lisbeth Salander est incarcérée, payant pour ses manquements à la loi du tome 4. Elle y croise une jeune femme du Bengladesh martyrisée par une cheffe de bande terrifiante. Surtout, elle y reçoit de son ex-protecteur, l’avocat Holger, des documents troublants sur son histoire personnelle. C’est la recherche de ses origines qui constitue le fil noir du roman, à l’assaut d’un programme de recherche à visées eugénistes sur les jumeaux.

Atmosphère oppressante

«L’intérieur avait beau être complètement pourri, la façade était impeccable.» L’action découpée par journées, comme dans les précédents livres, se déroule dans une atmosphère surchauffée et oppressante, longtemps confinée dans des espaces clos avant de gagner des forêts peu rassurantes. Il est encore beaucoup question de femmes dans ce nouveau tome de Millénium, de femmes opprimées par leur famille, mais aussi de femmes puissantes qui dominent les hommes.

On peut se plonger dans Millénium 5 sans avoir lu les tomes précédents, David Lagercrantz prenant soin de donner les clés pour situer les personnages. La géniale hackeuse Lisbeth Salander a perdu (un peu) de son chien: elle parle beaucoup et se conduit bien trop normalement, l’enquêtrice redoutable est devenue moins fêlée. Michael Blomqvist aussi, ce double de papier du journaliste Stieg Larsson, est moins mordant, plus fatigué.

Documentation très solide

Les personnages secondaires en revanche ont beaucoup d’allure, de la psychologue glaçante au pauvre petit banquier riche en passant par un maton dépassé ou un adolescent sous la coupe de grands frères traditionalistes et mafieux. David Lagercrantz s’est bien documenté: le lecteur apprendra beaucoup au passage sur la gémellité, les études sur l’inné et l’acquis, l’hyperacousie, les théories de la confiance en bourse ou les accords mineurs avec sixte du jazz manouche.

La Fille qui rendait coup sur coup sort simultanément dans 26 pays. La révolte dure de Stieg Larsson a disparu, mais l’intrigue haletante est très efficace. Ah, et la publicité des éditeurs dit vrai: on apprend d’où vient le dragon tatoué dans le dos de Lisbeth. Millénium, naissance d’une franchise.

La Fille qui rendait coup sur coup, de David Lagercrantz, Actes Sud, 415 pages.