Le commissaire Montalbano est courtisé par sa nouvelle voisine, de la villa d’à côté, à Marinella, banlieue sympathique de Vigàta, Sicile. C’est la nouvelle intrigue du vénérable Andrea Camilleri.

De prime abord, la situation est plutôt plaisante, et gratifiante. Le commissaire, qui s’enguirlande par téléphone avec sa dulcinée perpétuellement sise à Milan, se laisse subjuguer par la belle Liliana Lombardo, laquelle est délaissée par un mari commerçant, en informatique – quoique l’on ne sache guère où il stocke ses ordinateurs. Il y a du mystère, et Liliana en fait partie. Par exemple, alors qu’elle laisse ses lèvres trainer glisser sur celle du revêche policier, elle s’empresse de vouloir le faire savoir. Puis elle boit trop et tente de faire passer le commissaire gastronome à la casserole. Et encore, en se montrant avec lui de manière bien ostensible, pour faire deviner, lourdement, qu’il y a affaire. Durant tout ce temps, elle raconte un peu n’importe quoi au sérieux Montalbano, qui n’est pas dupe: «L’aimable et belle voisine» lui «raconte une grande quantité de carabistouilles», indique l’auteur.

Des explosions et Orson Welles

Au demeurant, Vigàta est secouée par d’étranges explosions, des bombes d’amateur qui visent des façades de magasins… vides. Il y aurait quelques activités mafieuses derrière ces pétards, peut-être en lien avec un trafiquant de drogue sortie de l’ombre il y a peu. En rapport à ces actes brutaux, un correspondant trouble le jeu des policiers, dans un petit jeu qui leur fait penser à la scène des miroirs de La Dame de Shanghai, d’Orson Welles. Et à propos de dame, les manœuvres de la séduisante Liliana se compliquent… En sus, il semble qu’on ait tiré sur la voiture de Montalbano, peut-être en le visant lui-même?

Un excellent cru

La vie de Montalbano est ainsi, douce et compliquée, rythmée sans faute par les déjeuners chez Enzo et la petite marche digestive sur la jetée. Montalbano a toujours pour secrétaire l’inénarrable Catarella, maître du «tiliphone», celui qui annonce: «Dottiri, il y aurait que juste sur la ligne il y a Mme Lombardi…» – c’est Lombardo, mais il assure que «c’est sûr qu’elle a un nom pluriélique». Montalbano embrasse la somptueuse voisine tout salivant pour les arancini de sa gouvernante.

21e roman de la saga traduit en français par le fidèle Serge Quadruppani, Jeu de Miroirs est un excellent cru de Montalbano, avec le juste dosage de bonhomie générale et de suspense. Le manège de charme avec Liliana pimente évidemment la danse, sous le soleil de Sicile, dans ce monde immuable, et pourtant criminel.


Andrea Camilleri, «Jeu de Miroirs», trad. de l’italien par Serge Quadruppani, Fleuve noir, 238 p.