Le poche de la semaine

«Le premier cas de polio, cet été-là, se déclara début juin, tout de suite après Memorial Day…»

Genre: Roman
Qui ? Philip Roth
Titre: Némésis
Trad. de l’américain par Marie-Claire Pasquier
Chez qui ? Folio, 270 p.

Alors que Philip Roth vient de confirmer à la BBC qu’il n’écrirait plus, voici l’un de ses derniers romans, publié en 2010 aux Etats-Unis. Bucky Cantor, le héros de Némésis, vit dans le quartier juif de Newark – la ville natale de Roth – et semble promis à une éclatante carrière sportive. Sa mauvaise vue l’a empêché de s’engager à la guerre – nous sommes en 1944 – mais il n’a pas son pareil pour lancer le javelot et soulever les haltères. Pour les jeunes garçons du quartier qu’il initie à ces disciplines, il est un modèle de vertu, jusqu’à ce qu’une tragique épidémie de polio ne vienne brutalement changer la donne… Comme dans La Peste de Camus, Roth raconte la progression de ce fléau, la peur phobique qui s’empare des habitants de Newark, la hantise de la contamination, la chasse aux coupables. Quant à Bucky, il commencera par affronter courageusement ce mal invisible avant de fuir la ville pour rejoindre sa fiancée dans une région préservée, au nord de la Pennsylvanie. Mais cet exil, pour lui, aura bientôt le goût de la honte et de la trahison, car il ne cessera plus de se reprocher d’avoir lâchement abandonné les garçons de Newark. Sur la question de la culpabilité, l’auteur de La Tache en sait long et c’est à ce gibet qu’il enchaîne son héros, bientôt rattrapé par la maladie qu’il avait voulu fuir, une maladie qui, après quatorze mois d’hôpital, brisera son corps d’athlète en le réduisant à une pitoyable épave aux membres atrophiés. Sous la plume de Roth, cette descente aux enfers se transforme alors en un violent réquisitoire contre Dieu, «ce pervers timbré» que Bucky ne cessera de rendre responsable de toutes les souffrances de l’humanité. Une fable sur le Mal, sous le regard de Némésis, la déesse de la vengeance divine.