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La prospérité et ses revers dans deux livres pour enfants

Un lièvre, entrepreneur dans l’âme, et un ours chassé de sa tanière: deux héros aux trajectoires divergentes racontent notre époque

Illustration tirée de l’album «La Soupe Lepron», de Giovanna Zoboli. — © Mariachiara Di Giorgio/Ed. Les fourmis rouges
Illustration tirée de l’album «La Soupe Lepron», de Giovanna Zoboli. — © Mariachiara Di Giorgio/Ed. Les fourmis rouges

Quelle histoire que celle de la soupe de Monsieur Lepron! Ce lièvre vivait dans un terrier en sous-sol d’un potager extraordinaire où poussaient des légumes dont il était friand. Chaque année, au premier jour de l’automne, il préparait une soupe divine à base d’ingrédients que ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants allaient glaner dans ce même potager. Monsieur Lepron mettait à cuire le tout dans une marmite avec de l’eau et une pincée de sel; puis, il s’endormait. Il rêvait qu’il devenait un cuisinier célébré aux quatre coins du monde. A son réveil, la soupe était prête et tous s’en régalaient.

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Au fil du temps, sa notoriété dépassa les frontières du terrier, de la vallée et même du pays. Sa soupe, à nulle autre pareille, était enviée. Alors, Monsieur Lepron ouvrit une usine. Les commandes affluèrent et le lièvre inventa de nouvelles recettes. Chaque soir, après avoir mis le sel dans ses casseroles, il s’endormait et rêvait de ses succès. Mais peu à peu son sommeil se fit agité par trop de soucis et de responsabilités. Alors un jour, après une nuit d’insomnie, il prit sa retraite et ferma l’usine. Les lièvres qui y travaillaient réintégrèrent les champs. Quant à notre entrepreneur, il pensait à la soupe qu’il ferait, une fois l’an, le 21 septembre, pour la nouvelle portée d’arrière-arrière-petits-enfants.

Comme dans la soupe de Monsieur Lepron, tout est bon dans cet album intelligent, bien écrit et richement illustré. On se souvient d’une autre fable qui traitait elle aussi d’ambition: La Leçon de pêche, de Heinrich Böll, traduite et adaptée pour les enfants par Bernard Friot, l’auteur des Histoires pressées, et mise en images par Emile Bravo. L’album, paru chez P'tit Glénat en 2012, est toujours disponible.

Apprenti sans-abri

Aldo est un ours d’été. Il se baigne, pêche et dort à la belle étoile. Cette année, à la faveur d’un automne qui dure, il reste dehors trop longtemps. Quand il veut rejoindre sa tanière pour y passer l’hiver, il découvre qu’un parking a été construit et l’a recouverte. Il récupère quelques affaires et cherche un endroit chaud. Ce sera une bibliothèque. Le soir, comme il doit la quitter, il dormira dehors. Mal. Au fil des jours, on suit Aldo dans son apprentissage de sans-abri et de la ville en hiver, dans ses galères, mais pas seulement, car la solidarité est aussi au rendez-vous.

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Irène Schoch aborde le monde de la rue avec sensibilité et sans pathos. Comme elle a choisi de faire d’Aldo le narrateur d’Ours d’hiver, le lecteur est placé au plus proche de la bête, de sa découverte d’un monde dur, mais aussi des fêtes qui ponctuent l’hiver et auxquelles il assiste malgré tout. Née et ayant grandi en Suisse alémanique, vivant à Bienne, Irène Schoch recourt souvent aux papiers découpés et à la peinture acrylique, dont elle exploite magnifiquement les couleurs.


  • Giovanna Zoboli; ill. Mariachiara Di Giorgio, «La Soupe Lepron». Les fourmis rouges. Dès 5-6 ans.
  • Irène Schoch, «Ours d’hiver». Editions des Eléphants. Dès 4-5 ans.