Même des notions souvent considérées comme fondant un corps de valeurs universelles – interdiction du meurtre ou égalité devant la loi, par exemple – sont susceptibles d’interprétations suffisamment différentes pour ne pas pouvoir apparaître comme autre chose que des concepts techniques dont l’application peut aboutir à des résultats radicalement opposés. Une loi peut, sans cesser d’appartenir à une structure juridique cohérente, remplacer dans certains cas l’interdiction de tuer par une obligation, ou juger que l’exclusion de certains – femmes, étrangers, croyants d’autres religions – des bénéfices de la citoyenneté est parfaitement compatible avec le principe d’égalité.
Sur cette tabula rasa, pas de miracle: comme pour la justice, la morale ne peut pas être fondée dans l’absolu, du moins hors d’une référence transcendante, et tous les efforts pour y parvenir ne font que renvoyer, en dernière instance, aux valeurs coutumières de la société où ils sont entrepris. La distance de l’éthique et du droit ne découle pas d’un statut de principe différent mais de la façon dont ils s’exercent – par la contrainte pour le second et par l’approbation pour la première.
Ce n’est donc pas là qu’un système juridique trouvera l’étalon susceptible de le valider. Reste une échappatoire, qui a d’ailleurs valu à l’auteur le soupçon de récupérer le droit naturel par la bande: face à la relativité absolue des systèmes de valeurs, la seule valeur fédératrice est la tolérance. Un impératif duquel il est possible de faire découler les principes de liberté de conscience et de pensée, de paix et de démocratie. Stimulant.