«Rien ne s’oppose à la nuit»
Poche
Suite au suicide de sa mère, Delphine de Vigan décide de la raconter, de lui dresser un tombeau de papier. L’un des livres les plus bouleversants de ces dernières années
On ne peut que s’arrêter sur cette photographie en page de couverture. Rien ne s’oppose à la nuit, le roman de Delphine de Vigan, sort en poche et les libraires l’affichent en nombre dès l’entrée des magasins. Et ce visage de femme qui fume, élégante jusque dans les volutes de fumée, arrête le pas. Il y a ce regard, noisette triste, et cette beauté, tout simplement, qui étreignent le cœur.
Cette femme est la mère de Delphine de Vigan. Rien ne s’oppose à la nuit fait le portrait (SC du 30.09.2011) de Lucile Poirier, une vie tout entière en lutte contre la maniaco-dépression. Un livre sur la mère, comme il en existe déjà tant? Pas seulement. Delphine de Vigan y mêle son portrait à elle, femme qui écrit, qui a même du succès avec ses livres et qui, à la mort de sa mère, décide, alors qu’elle sait combien cela sera difficile, combien nombreuses seront les embûches, de dresser un tombeau de papier à celle qui lui a donné la vie.
On suit donc le livre en train de s’écrire. La véritable enquête familiale dans laquelle se lance Delphine de Vigan pour tenter de comprendre cette nuit qui va progressivement étouffer sa mère. Des heures et des heures d’enregistrement avec les sœurs de Lucile, les amis de la famille. Et cela fait, comment faire? Comment dire? Les doutes, les peurs, la responsabilité de l’écrivain face à ce chantier hautement émotionnel. L’humilité d’admettre que la femme écrivain reste aussi la petite fille qui n’a cessé de rêver sa mère en femme normale, forte, en maman comme les autres.
On s’arrête sur la photo de couverture. On ouvre le livre pour lire les premières phrases. Et l’on sait que l’on n’oubliera pas Lucile.