La Russie en proie à ses démons, par Mikhaïl Chevelev
A partir d'une «banale» prise d'otages, Mikhaïl Chevelev déroule l'écheveau de l'ère post-soviétique dans un récit incisif
De sa cuisine, Pavel Volodine entend les sons hachés du téléviseur: un flash spécial du journal de 20h annonce une prise d’otages dans une église de la région de Moscou. Alors que Pavel n’y prête encore qu’une attention molle, le présentateur prononce son nom et celui d’un ancien collègue, réclamés sur place pour servir de médiateurs. Lorsqu’il s’approche enfin de l’écran, ébahi, Pavel reconnaît le visage du preneur d’otages: Vadim, rencontré vingt ans plus tôt, en 1996, en pleine guerre de Tchétchénie.
Alors reporter pour Le Courrier de Moscou, Pavel avait aidé Vadim, prisonnier de guerre, à s’enfuir. Ils étaient rentrés ensemble en Russie et une amitié sincère s’était nouée entre le journaliste et cet homme discret autant que serviable – un bon type, en somme, ballotté par la vie, à qui la chance n’a que rarement souri. Le temps a ensuite fait son œuvre de sape, les deux hommes se sont perdus de vue.