Des aventures romanesques brandies par la jeune presse populaire aux feuilletons qui triomphent aujourd’hui sur les lucarnes du monde entier, c’est la même économie narrative qui se prolonge. Une économie dispendieuse: malgré les ralentissements de leurs intrigues, les auteurs de séries aiment raconter comment ils brûlent leurs idées en cours de saison, étant alors contraints de redoubler d’efforts. De la même manière que les écrivains du siècle d’or vibraient par leur frénésie créatrice, poussés par l’exigence de la production quotidienne – et du paiement à la ligne.
Les séries TV relèvent ainsi davantage de la littérature que du cinéma, auquel on les associe souvent. Le dispositif de production des séries confirme cette filiation. Dans l’équipe qui fabrique un feuilleton à Hollywood, le créateur et auteur, souvent également producteur, chapeaute les autres corps de métiers. Après les décideurs (producteurs et surtout diffuseurs), il est maître du feuilleton. Le second responsable est le «showrunner», fonction de chef d’orchestre généralement traduite par «scénariste en chef», ce qui illustre les priorités des équipes. A la différence du cinéma, où le réalisateur est a priori garant de l’œuvre, les séries TV vivent sous le régime des scénaristes. Lors d’une rencontre à Aix-les-Bains, le créateur de Commander in chief, Rod Lurie, avait même assuré que «la télévision américaine a vraiment mis en pratique la politique des auteurs». Jugement un peu hâtif – les financiers ont tout de même le dernier mot –, mais qui montre l’importance centrale de l’écriture dans la fiction TV. Celle-ci est bien la fille volage d’Eugène Sue, Paul Féval ou Ponson du Terrail.
A lire: Danielle Aubry, «Du roman-feuilleton à la série télévisée: pour une rhétorique de la sérialité», Ed. Peter Lang.
«Séries TV. Pourquoi on est tous fans», Ed. Edysseus.