Shakespeare, ce héros so British
Editorial
Ce week-end, l’Angleterre tout entière fête son barde

«Etre ou ne pas être» se demandait Hamlet. Pour William Shakespeare la question ne se pose plus depuis longtemps. Ce week-end, l’Angleterre tout entière fête son barde. Etrange liesse pour un auteur mort il y a 400 ans, mais dont la société anglaise plus que jamais se réclame. Le plébiscite est à peine étonnant. De la même manière qu’on parle d’humour britannique, il y a ce goût typiquement anglais pour honorer les héros de la patrie. Une fierté nationale détendue pour ceux qui font, ou on fait, la gloire de cet ancien empire qui ne règne plus sur aucune mer mais entretient sa monarchie avec jalousie et fait rayonner sa culture sur le monde entier.
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Les Anglais ont inventé un terme pour ces braves à la popularité désormais universelle. Ils appellent National Treasure ces personnalités hors normes dont la valeur s’évalue au même titre que les bijoux de la couronne. Et en qui n’importe quel citoyen de l’île se reconnaît avec affection.
C’est Shakespeare demain, mais c’est aussi la Reine Mère (mais moins sa fille Elisabeth, 90 ans il y a deux jours), l’actrice Diana Rigg, le réalisateur Stephen Fry, Winston Churchill ou encore David Bowie. Et aussi John Lennon plutôt que Paul McCartney. Peu de pays peuvent ainsi prétendre à célébrer leurs héros en toute décomplexité. Il y a le Japon où les trésors nationaux sont parfois vivants. Et la Suisse qui vit très bien avec le mythe de Guillaume Tell qui n’a probablement jamais dégainé son arbalète au pied du Rigi. En France, par contre, il n’y a guère que Molière à peut-être réussir à faire l’unanimité. L’histoire de l’Hexagone entretient des rapports trop tumultueux avec le pouvoir pour adhérer sans partage aux figures de Louis XIV, de Napoléon ou de Jeanne d’Arc, d’ailleurs récupérée par l’extrême-droite. Pour autant, les héros anglais ne sont pas toujours exempts de critique. Churchill porte quand même la responsabilité de l’échec des Dardanelles pendant la Première guerre mondiale. Avant de réussir à galvaniser les Londoniens pendant la Seconde lorsque les V2 allemands dégringolaient du ciel sur la capitale.
Dans ses pièces, Shakespeare renvoyait aux visages des puissants le reflet contrarié de leurs actions. A part dans Henri V, il n’a jamais fait état d’un quelconque patriotisme. Simple et proche du peuple, voilà ce qu’est le héros anglais.