Livre jeunesse
Un collectif de 34 illustrateurs suisses, le Bolo Klub, présente ses dessins à la foire du livre pour enfants de Bologne

Ce sera à Bologne et dans un restaurant, mais cela n’aura aucun rapport avec la célèbre sauce. Le Bolo Klub est un collectif de 34 jeunes illustrateurs suisses. Il y a quelques jours, le groupe romand se réunissait au théâtre Am Stram Gram, institution genevoise dédiée à l’enfance, pour préparer son voyage à Bologne. «C’est l’endroit où il faut être», affirme Alex Howling, dessinateur de 24 ans.
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La ville accueille depuis cinquante-six ans une foire prestigieuse consacrée au livre jeunesse, «une foire professionnelle», poursuit Alex Howling. Editeurs et auteurs reconnus sont présents pour dénicher les talents de demain. Cette année, la Suisse est le pays hôte. Le Bolo Klub y est mis en valeur. Il exposera en off de la foire, à la Scuderia, un restaurant alternatif au cœur de la ville. Et forcément, c’est très excitant: «Il s’agit de découvrir tous les aspects du métier, de nouer des contacts, de se faire remarquer», explique le jeune homme, en montrant les quelques dessins qui partiront avec lui pour l’Italie. «Ce sont les aventures d’Hubert, un petit garçon qui montre son derrière à tous les passants. Il veut se rendre intéressant mais, à force, les gens se lassent et n’y prêtent plus attention. Il devra trouver autre chose pour embêter son monde.» Ce travail, il a notamment pu l’enrichir grâce aux conseils avisés des autres membres du collectif.
La force du collectif
Ce projet est l’initiative de Nina Wehrle et d’Evelyne Laube, illustratrices à Lucerne et fondatrices du duo It’s Raining Elephants. Elles ont déjà créé un premier groupe dans leur ville en janvier 2018. Le concept s’est ensuite étendu en Suisse romande et au Tessin. Entre Lausanne et Genève, c’est Mirjana Farkas, illustratrice et enseignante, qui supervise les opérations. Depuis le mois d’août, elle organise des rencontres au sein desquelles chaque invité apporte un regard différent sur le monde du livre jeunesse. «Nous avons rencontré Anne Crausaz, Albertine et Germano Zullo, Adrienne Barman, Tom Tirabosco… Tous sont des illustrateurs romands réputés qui exposent à la foire de Bologne dans l’espace dédié à la Suisse», explique-t-elle. «Au fil des rendez-vous, on remonte tout le processus de création d’un livre pour enfants, des techniques de dessin jusqu’à l’édition. L’objectif étant qu’avant la foire, nous ayons tous des projets aboutis, mais aussi une vision globale de l’univers qui nous attend, professionnellement parlant», commente Ambre Verschaeve, 22 ans.
«C’est un métier qui s’exerce en solitaire, mais nous avons besoin d’être plusieurs pour réussir. Les échanges dans les salons avec les auteurs, éditeurs mais également entre dessinateurs permettent de se sentir plus forts», avance Fanny Dreyer, illustratrice confirmée de 31 ans. Fribourgeoise d’origine, elle vit désormais à Bruxelles. Ce soir-là, elle revenait sur son parcours devant ces jeunes espoirs du dessin: des paroles très inspirantes pour ces aspirants illustrateurs. D’autant plus que l’artiste faisait partie des chanceux repérés à Bologne huit ans auparavant. Depuis, elle continue les collaborations avec la maison d’édition genevoise La Joie de lire. Elle a également créé, en équipe, le magazine pour enfants Cuistax et enchaîne les projets avec vidéastes et musiciens.
Des rêves plein la tête, les pieds bien sur terre
Quand on demande aux membres du Bolo Klub si c’est ce qu’ils espèrent, on s’attend à ce qu’ils acquiescent. Ce n’est pas le cas. «On ne se fait pas trop d’illusions», poursuit Ambre Verschaeve. Nous y allons un peu à l’aveugle et assez ouverts d’esprit pour prendre ce qu’il y a de bon à prendre. Le salon est connu pour être très exigeant et je m’attends surtout à recevoir des critiques. Mais j’en ressortirai plus enrichie, c’est certain, avec un univers artistique plus développé.» Derrière cette humilité manifeste se cache aussi une vérité criante.
«C’est difficile d’en vivre, confie Fanny Dreyer. Moi, j’y arrive encore, mais j’ai fait le choix de vivre à Bruxelles, où le coût de la vie n’est pas le même qu’en Suisse.» Même constat pour Adèle Dafflon, 33 ans: «En parallèle, je tiens un café à Fribourg.» Même s’il est compliqué d’établir un salaire moyen pour la profession (beaucoup de critères entrent en compte: les éditeurs, le tirage…), d’autres domaines rapportent plus que le livre jeunesse. C’est le cas de certains mandats d’illustration, pour des affiches par exemple.
Mais d’une façon générale, «les illustrateurs jeunesse touchent moins de droits que les dessinateurs de bande dessinée. La profession est encore victime du fait qu’à l’origine, c’était un milieu exclusivement féminin. Les salaires étaient donc moins élevés que ceux des hommes et nous avons gardé cela», indique Fanny Dreyer. Un univers dont la sauce laisse alors finalement un goût amer, par certains aspects. Et d’ailleurs, à quelle sauce seront mangés nos illustrateurs après la foire de Bologne? «Nous organiserons une rencontre de bilan et perspectives, pour envisager de nouveaux projets au sein de l’association Fokus Illustration», conclut Mirjana Farkas.