Solidaires face au père
Ce père, Manuel, un maçon aux mains calleuses et à la baffe facile, vit avec son épouse et ses deux filles dans une «maison au crépi rose», emblématique d’un lotissement social périphérique. Elles coûtent cher, les traites de cette maison. Pour les payer chaque mois, il bosse sur des chantiers de villas et de piscines pour riches. Renfermé, frustré, peu bavard, on le sent en permanence sur le point de céder à une éruption de violence. Et quand elle surgit, c’est l’horreur, un déchaînement sans retenue, sans limites, et qui se déverse sur une victime dont le tort principal est d’être Arabe.
Mais n’en disons pas plus, sinon qu’à cette violence paternelle, l’auteure oppose les sentiments de ses deux filles solidaires, certes un peu paumées, mais courageuses, imaginatives et curieuses. La mère, Séverine, fille d’un agriculteur du coin assez opulent, elle-même mariée trop jeune, et qui devient grand-mère à 34 ans, s’accommode tant bien que mal de son destin. Au-delà de l’intrigue bien ficelée, le talent de Marion Brunet s’exprime dans ses phrases au scalpel pour décrire un milieu replié sur lui-même où «ça rit fort et gras», où il vaut mieux être «comme eux» et où un homme de 38 ans peut avoir «l’impression d’en avoir mille».
Marion Brunet, «L’été circulaire», Albin Michel, 266 p.