Une enfance au pays des prolétaires

Genre: Roman
Qui ? Irena Brezna
Titre: Du meilleur des mondes
Trad. de l’allemand par Laurent Vallance
Chez qui ? Editions d’en bas, 144 p.

La romancière bâloise Irena Brezna avait reçu, en 2012, un Prix fédéral de littérature pour la version allemande de L’Ingrate venue d’ailleurs (Editions d’en bas) un roman à deux voix de femmes entre la Tchécoslovaquie, où est née la romancière en 1950, et la Suisse, où elle s’est exilée en 1968.

Du meilleur des mondes est un roman antérieur, mais parallèle. C’est le récit, par la voix d’une petite fille volontaire, décidée et naïve, de la vie quotidienne au pays des prolétaires.

La petite fille, Jana – Janka pour les adultes –, est née d’un père considéré comme un «élément bourgeois». Cet ancien avocat bâtit désormais des ponts et n’habite pas avec le reste de la famille: «Il aidait les riches à devenir encore plus riches et exploitait les prolétaires», explique sentencieusement la fillette, qui n’y trouve rien à redire. Elle regrette que, malgré la fréquentation imposée mais salutaire des prolétaires, son père affiche toujours «le même visage pincé». Un jour, c’est sa mère, une jolie femme impertinente, qui ne rentre plus à la maison. «Tu ne demandes plus jamais où est ta mère compris?» lui enjoint sa grand-mère. Jana finira tout de même par comprendre que sa jolie maman est en prison.

Nul drame, pourtant, dans la vie de Jana. Petite prolétaire désireuse de bien faire, elle chante les mérites du progrès: «Chez nous, on révère les centrales hydrauliques comme jadis les églises. […] Notre pays a besoin de plus de courant: on illumine les villages obscurs l’un après l’autre. Il ne doit plus y avoir chez nous d’obscurité, d’obscurantisme, de village obscur», assène avec enthousiasme la petite fille.

Tel est le schéma que suit Irena Brezna pour mettre en lumière, à travers Jana, les contradictions et les spécificités de sa propre enfance. Dans la bouche de la petite fille, elle pousse les raisonnements jusqu’à l’absurde, avec une ironie mordante, faussement bon enfant. «L’autocritique, qui est partie intégrante de la conscience des prolétaires, est courante aussi à l’église. Pour la deuxième fois déjà, je me confesse…» Irena Brezna dessine, dans Du meilleur des mondes, une fresque riche de détails, ajoutant une couleur ici, un trait là. Peu ou pas d’action dans ce livre, qui se déplie comme une sorte de grand rouleau illustré et coloré. C’est parfois un brin monotone, un peu systématique, mais toujours drôle et bien vu.