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Locarno. Ruth Waldburger, ou comment produire du cinéma en Suisse

Elle n'a rien d'une star. Mais elle est là et bien là. Solide,

Elle n'a rien d'une star. Mais elle est là et bien là. Solide, audacieuse, entière, habile. Et parfaitement décidée à faire du cinéma. Tourne-t-elle? Non, elle produit dans un pays où les producteurs de films sont peu nombreux, à la tête d'entreprises souvent fragiles, confrontés à un marché suisse ridiculement petit et, de ce fait, tentés de prendre leur métier pour une cause et cette cause pour celle de l'art auquel tout serait dû.

Ce n'est pas le cas de Ruth Waldburger. Son métier de productrice, elle l'exerce sans énoncer de grands discours sur les exigences de la culture ou les merveilles de l'économie financière. Elle l'a empoigné depuis belle lurette, en femme pratique, sachant tenir son ménage, exerçant son bon sens sur les scénarios qui lui sont soumis, consciente qu'aucune conquête ne s'obtient sans risque. Prête à entreprendre, oser, perdre, gagner et regagner; édifiant ainsi une carrière, une entreprise, une filmographie comme d'autres construisent leur œuvre. Telle est la force de Ruth Waldburger, force qui, une fois l'aventure d'un film lancée, se nourrit d'une conviction qu'elle sait faire partager.

Auprès de Jean-Luc Godard, ni le moindre ni le plus facile des partenaires, elle a beaucoup travaillé et beaucoup appris. Rude et acrobatique école d'ambition démesurée et d'arrogante modestie. Pragmatique, elle apprend que l'avenir du film suisse passe obligatoirement par la collaboration internationale. De productrice suisse, elle devient une productrice tout court. Elle gagne la confiance des professionnels, constitue ses réseaux, construit un catalogue imposant et varié. Où l'on trouve, par exemple et pêle-mêle, Le Pas suspendu de la cigogne du Grec Théo Angelopoulos (1991), La Vie ne me fait pas peur de la jeune Française Noémie Lvovsky, Léopard d'argent à Locarno en 1999, ou Micmac à La Havane de Sabine Boss (2002) avec le comique de la TV alémanique Viktor Giacobbo. Aujourd'hui et pour la deuxième fois, elle travaille avec Alain Resnais.

C'est cette productrice indépendante de grand format que le Festival de Locarno décide de récompenser cette année en lui décernant le Prix Raimondo-Rezzonico. Avec pertinence, car l'itinéraire de Ruth Waldburger, tel qu'elle l'a défriché et consolidé, raconte les possibilités, les ressources et donc l'espoir du cinéma en Suisse.