Par un hasard de calendrier, Luke est sorti du rang au mois d'octobre dernier, en même temps qu'étaient publiés les albums de Dominique A et Christophe Miossec, deux figures emblématiques dont, au jeu délicat des filiations, le groupe parisien est l'héritier indirect. Goût des mots identique, énergie instantanée provenant du rock et sons qui se baladent lascivement dans le pré sonore de la pop britannique raffinée ont alors constitué les atouts de La Vie presque, leur premier disque devenu un compagnon de route indispensable au fil des mois. D'obédience pop, limpides et élégantes, les onze chansons qui ont pris ainsi la parole dans un morne paysage hivernal naviguent entre désenchantements et petits arrangements avec l'existence. De l'initial «Se taire», charmante et accrocheuse mélodie qui s'est muée en étendard médiatique du groupe, à «La dérive», magnifique morceau d'adieu à un amour, Luke s'est discographiquement scellé un avenir radieux. Une bande-son atmosphérique qui révèle une propension aux échappées rock à la rage toute contenue, où les cavalcades des guitares électriques sont refrénées. A ces tensions sous-jacentes, la voix de Thomas Boulard répond en susurrant. Parfois encore de manière trop mielleuse pour être juste en permanence et totalement aguicheuse. Des textes d'une poésie crue, avec une économie de mots mais qui mériteraient d'être ciselés avec plus de précision, renforcent quant à eux l'harmonie et l'équilibre global d'une formation atypique. Enrobé çà et là de climats psychédéliques palpitants, l'univers que dévoile Luke sait encore prendre au vol l'auditeur de passage.
Luke. Chat Noir, Rue Vautier 13, Carouge. Jeudi 31 janvier à 21 h. Tél.022/343 49 98. Festival «Les Jeux», jusqu'au 2 février. www.chatnoir.ch