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Luxe d'idées autour du bijou contemporain

Des créations du groupe Solo s'exposent à Lausanne en interrogeant la problématique du précieux

Certains objets valent leur pesant d'or parce que constitués de matériaux précieux, parce que rares, parce que porteurs d'une marque de prestige. Mais lorsqu'il y a luxe d'idées? mais lorsque ruisselle l'intelligence plutôt que le diamant? Le groupe de designers en bijoux Solo s'est exercé à y réfléchir et il expose ses résultats – True Luxury (vrai luxe) – chez Viceversa, à Lausanne. Ils sont radicaux, surprenants, et montrent à quel point, hors des chemins monotones de l'offre joaillière habituelle, les voies de la création contemporaine peuvent conduire loin.

Anette Walz, bijoutière allemande, a navigué, par exemple, du côté de l'alchimie. Elle a formé, comme par pliage de papier, une nombreuse flottille de petits bateaux de plomb qu'elle a rêvés ensuite de changer en or en les attaquant à l'acide. Pris dans des filets, ils ne voyagent plus mais composent En Port sûr, une impressionnante parure de corps. Gitte Nygaard, des Pays-Bas, s'applique, elle, à détourner le produit industriel le plus familier, l'assiette en résine colorée, qu'elle cisèle de motifs ornementaux et transfigure en d'élégantes broches florales.

Les Fleurs sont aussi le thème et le titre des pièces présentées par l'Allemand Thomas Dierks, qui réalise en PVC noir de grands bijoux masculins, aux arabesques inspirées des tapis de la ferme où s'est constitué le groupe Solo. Invités par la Galerie Marzee, de Nimègue, à participer à un séminaire, onze designers – tous issus de la Gerrit Rietveld Academie d'Amsterdam, l'un des meilleurs lieux de formation en bijouterie contemporaine – ont choisi de réfléchir sur True Luxury. Ensuite, chacun de son côté et à sa manière, a développé le sujet une année durant. En 2004, la galerie expose leurs travaux. L'étape suivante, c'est Lausanne.

Les bijoux qu'ils montrent appellent des questionnements. Par exemple: peut-on parler de luxe immatériel? Chercher la réponse chez la Franco-Brésilienne Stella Bierrenbach qui, en construisant pour ses bijoux-objets une place dans l'espace – mini-installations, fragments de récits – exprime le fugace, l'insaisissable du souvenir. Ou chez la designer suisse Wiebke Meurer qui, inspirée d'un service d'assiettes et de couverts Louis XVI, transforme, par compression et galvanisation, des formes fragiles en d'hyperréalistes histoires familiales.

Peut-on parler d'un luxe coupable? dissident? Développée dans un centre belge de réfugiés, la série des Porte-bonheur de la Néerlandaise Ulrike Bartels – une clé sur laquelle poussent des racines, des bracelets-menottes – invite à méditer. Existe-t-il un luxe joyeux? terrifiant? A travers les figures mi-animal mi-homme de ses amulettes Malin Lindmark, de Suède, offre une interprétation hantée.

Enfin, de quoi le luxe est-il fait? De morceaux d'autrefois arrachés à de vieux murs, démontre avec sensibilité une autre Néerlandaise, Jantje Fleischhut, qui saisit dans la résine des bribes de tapisserie, les enchâsse délicatement dans de l'or, pour les monter ensuite en broche.

True Luxury. Galerie Viceversa (pl. Saint-François 2, 2e étage, Lausanne, tél. 021/323 96 34; rens. http://www.viceversa.ch). Ma-ve 12 h 30-18 h 30, sa 10 h 30-16 h 30. Jusqu'au 16 juillet.