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La magie d'une fable du XVIe illumine le Festival Amadeus

A Genève, l'Ensemble Daedalus a reconstitué une œuvre de Jachet de Berchem.

Un théâtre de la Renaissance dans une grange en bois. Le spectacle donné jeudi soir, au Festival Amadeus, dans la campagne genevoise, dégageait une ambiance fort savoureuse, celle qui devait prévaloir dans les campagnes de l'Italie au XVIe siècle. Ainsi, dans son Journal de Voyage de 1580-81, Montaigne raconte avoir rencontré partout «…des paysans ayant un luth à la main et la pastorale de l'Arioste aux lèvres». Ce luth était là, dans la fosse de l'orchestre, entouré d'une harpe et de cinq violes de gambe qui laissaient perler leurs notes. Puis, sur la gauche, un arsenal de saqueboutes – ces vieux trombones aux sonorités gutturales. Les chanteurs de l'Ensemble Daedalus, eux, recréaient le geste de la Renaissance sous la conduite de Roberto Festa, avec toute la part d'imprévu qu'entraîne ce genre de démarche.

Actif en Italie vers 1560, le compositeur flamand Jachet de Berchem s'est inspiré du Roland Furieux de l'Arioste pour en tirer une fable. Sa musique, dotée d'indications scéniques, préfigure l'opéra de Monteverdi. Mais elle ne l'égale pas, car l'orchestre se contente d'accompagner les madrigalistes (excellents en l'occurrence). Pour assurer la logique du récit, un narrateur commente l'action: Maurizio Maiorana ressuscite la rhétorique de la Renaissance en faisant pétiller les mots. On dirait un conteur sicilien.

Sur scène, Orlando se morfond. Soudain, une pancarte descend des cintres, dotée de l'inscription «Melencolia». Puis voilà qu'un homme, tout en noir, s'avance vers lui, à pas lents. Il tient un crâne dans la main, figure allégorique de la mort. Orlando sombre dans la folie. Un homme basané, aussi sec qu'une vipère, mime son esprit en proie au délire. Mais le «climax», c'est lorsque Astolfo arrive juché sur l'hippogriffe. Chevauchant l'espace, au dos de cet animal mythologique, il ira récupérer sur la lune l'esprit volatilisé d'Orlando, rendu fou par l'amour.

Malgré une gestique trop imprécise qui ne va pas au bout des intentions, le charme d'un théâtre fait de bric et de broc, créé dans la magie de l'instant, renaissait jeudi soir, dans la grange du Festival Amadeus. Parti pour reconstituer une fable, l'Ensemble Daedalus a fini par recréer les conditions dans lesquelles un théâtre de l'époque a dû se faire.