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Marcel Gotlib déroule ses gags à Saint-Malo

Marcel Gotlib n’a jamais aimé réaliser les décors dans ses planches. C’est pour s’exonérer de cette contrainte qu’il a imaginé la fameuse petite coccinelle qui gesticule et glose sans arrêt dans les coins de ses cases. Donner le nom d’«effet coccinelle» – détournement parodique du célèbre «effet papillon» – à la rétrospective qui rend hommage, à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), au père de Gai-Luron et de Superdupont est un beau clin d’œil

Emprunté au magazine américain Mad – et à l’un de ses auteurs cultes, Wally Wood –, l’effet coccinelle est typique de l’humour gotlibien, fait de second degré et de contre-pieds permanents... — © DR
Emprunté au magazine américain Mad – et à l’un de ses auteurs cultes, Wally Wood –, l’effet coccinelle est typique de l’humour gotlibien, fait de second degré et de contre-pieds permanents... — © DR

Gotlib n’a pas souvent eu les honneurs d’une exposition à sa mesure. Hormis l’accrochage après sa nomination au palmarès des Grand Prix de la ville d’Angoulême en 1991, seul le Centre belge de la bande dessinée lui réserva ses cimaises en 2006.

Le créateur de «Fluide glacial»

A 79 ans, le créateur de Fluide glacial jure qu’il se «contrefiche complètement» de cette absence de reconnaissance. Le fait qu’il ait décidé de ne plus prêter d’originaux ne simplifie pas l’exercice. Gotlib en a beaucoup confiés à une certaine époque, et certains ne lui sont jamais revenus...

Que faire partant de là ? Primo, accrocher des reproductions de ses meilleures planches, cela au gré des séries (Les Dingodossiers, La Rubrique-à-brac), des supports (Pif, Pilote, Fluide glacial) et autres personnages (Nanar et Jujube, Gai-Luron, professeur Burp, Hamster Jovial, Isaac Newton, Pervers Pépère, Superdupont...) qui ont jalonné sa carrière. Le résultat est tout sauf décevant.

Deconum Rex

La grande qualité des duplicatas réalisés jettera le doute chez les esthètes, qui n’ignorent pas que les originaux de Gotlib sont d’une propreté absolue. Le gros des visiteurs, lui, se délectera de la sélection. On retrouve des bijoux tirés de la Rubrique-à-brac, la série dont l’auteur est le plus fier.

Impossible de ne pas rire devant le topo hystérique du professeur Burp consacré à la hyène. Une double page sur le thème de la famine africaine à travers le prisme des médias (Désamorçage), une autre sur le bonheur de la paternité (La Boule) font (re) découvrir un Gotlib plus sensible que celui qu’on connaît.

L’autre parti pris de l’exposition malouine – prélude au festival Quai des bulles, fin octobre – est la scénographie. De nombreuses statues balisent ainsi le parcours. La plus impressionnante est celle de... Gotlib en personne, perché en haut d’une colonne de 5,50 m de haut, l’air pénétré, une couronne de lauriers sur la tête. Son nom : Deconum Rex.

Pervers pépère

La plus osée est celle de Pervers Pepère ouvrant grand son imperméable dans un coin du lieu d’exposition, qui n’est autre... qu’une ancienne chapelle ! Papy salace à l’imagination galopante, Pervers Pépère ne fait en réalité que simuler une perversité débridée dans ses gags, cela dans le seul but de tromper son monde (et les lecteurs aux idées mal placées). Du pur Gotlib là aussi.

Toute l’exposition, à Saint-Malo, est frappée du sceau de la déconnade, sa marque de fabrique. «J’ai toujours aimé déconner, en effet, confie-t-il. Mais je suis aussi un grand dépressif, même si cela ne se voit pas.»

Prince de l’absurde et génie du trait, Marcel Gotlib a arrêté de faire de la BD au milieu des années 1980 parce que l’animation de Fluide glacial (créé en 1975) lui prenait du temps. Mais pas seulement : «Je craignais d’avoir tendance à piétiner, à tourner en rond», dit-il. Dommage qu’il n’ait pas continué quelques années supplémentaires à nous dérider si énergiquement les zygomatiques.

Gotlib : l’effet coccinelle. Chapelle Saint-Sauveur, Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Jusqu’au 27 octobre. www.quaidesbulles.com