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Mère infanticide, version théâtrale timide

Dorian Rossel adapte pour la scène un documentaire sur l’affaire Courjault. Discret jusqu’à l’excès

Mère infanticide, version théâtrale timide

Lorsqu’un metteur en scène évoque le cas d’une mère qui a tué trois de ses bébés, on attend de lui tact et délicatesse. De ce point de vue, il faut saluer le travail de ­Dorian Rossel à partir du film de Jean-Xavier de Lestrade, Parcours meurtrier d’une femme ordinaire: l’affaire Courjault. Jeu, décors, éclairages, travail du corps: Une Femme sans histoire, à voir encore ce soir au Forum Meyrin, témoigne d’une belle sensibilité et cultive une sensation de rêve éveillé qui évoque avec pertinence les zones opaques du déni de grossesse dont souffre l’accusée.

Dans ce registre, les marches somnambuliques et le rideau qui frémit au vent de la vérité sont spécialement parlants. Comme est fascinante l’expression de Sara Louis, dans le rôle la criminelle suivie lors de son procès. Quelque chose entre la stupeur face à l’horreur et l’excitation de la parole, sa parole, enfin libérée.

La grâce du jeu

On apprécie aussi le changement d’étoffe des autres comédiens (Karim Kadjar, Natacha Koutchoumov, Serge Martin et Matine Paschoud). Durs, voire sarcastiques lorsqu’ils endossent les habits de l’accusation, hébétés et/ou compréhensifs quand ils jouent des proches de l’accusée et des experts compatissants. Ce changement par la simple grâce du jeu est une des spécificités du théâtre libre et inventif de Dorian Rossel.

Pourtant. On ne ressort pas avec la conviction que la transposition théâtrale ajoute beaucoup au film. Ou atteint même son intensité. A l’exception d’un passage où le plateau semble s’embraser – le moment où la famille du mari crie son incompréhension de n’avoir pas vu la grossesse de l’accusée au bord de la piscine estivale –, la proposition est trop linéaire, trop systématique, peut-être simplement trop timide pour égaler la charge du documentaire. Or, c’est parce que le théâtre est un lieu de parole que Dorian Rossel a souhaité porter sur la scène cette libération par les mots (LT du 30.08.2014). La transposition fonctionne, mais, à ce stade, il n’y a pas de révélation.

Une femme sans histoire, 2 sept., Forum Meyrin, www.batie.ch