«De belles anses pour un si vieux vase!» Dans la scène de Chéri où Stephen Frears lui fait prononcer cette réplique, Michelle Pfeiffer s’observe dans un miroir. Elle lève gracieusement ses bras vers le ciel et, amphore souriante, file la métaphore. Plus tard, lors d’un final d’anthologie, seule face à la caméra, l’actrice, alias Léa de Lonval, ancienne courtisane rattrapée par le temps qui passe et abandonnée par l’amour de sa vie, tente de sauver les apparences en se repoudrant. Et le plan dure, dure. Très dur. Sommet de confiance accordée par une actrice à son réalisateur.
La prestation de Michelle Pfeiffer est rare. C’est celle d’une comédienne qui a tout juste dépassé les 50 ans et qui ne cherche pas à le cacher. Cette honnêteté ne jure pas seulement avec le comportement de ses concurrentes – Sharon Stone surtout, qui a gravi les échelons grâce aux rôles que Michelle Pfeiffer a refusés (Basic Instinct et Casino). Elle se distingue également parmi certaines de ses meilleures amies, Cher ou Nicole Kidman qui donneraient sans doute n’importe quoi pour dénicher le Graal. Très peu pour Michelle Pfeiffer qui ne s’est par exemple jamais affichée avec un toy boy. Et pour cause, sans doute: cette ancienne Miss Orange County a très peu goûté d’avoir trop longtemps été cantonnée aux rôles de ravissante idiote (type Grease 2, en 1982). Pas plus qu’elle n’a claironné de se voir citée parmi les «10 plus belles femmes sexy» et autres fadaises qui trouvèrent leur apogée lorsque de prétendus scientifiques américains, il y a une dizaine d’années, prétendirent avoir déterminé le ratio des proportions parfaites du visage chez la femme et décrétèrent que Michelle Pfeiffer était la perfection.
Michelle Pfeiffer est rare. Même en ayant le choix, et quel choix, dès Scarface de Brian De Palma en 1983, elle a préféré une voie discrète, privilégiant sans doute un peu trop les mélos à l’eau de rose, dès son mariage avec David E. Kelley, le producteur des séries Ally McBeal ou Boston Justice, et surtout dès l’arrivée de son deuxième enfant, au milieu des années 1990. Même lorsqu’elle a rejoint le club très fermé des actrices payées plus de 12 millions de dollars par film, elle déclarait: «Je joue gratuitement… mais je demande un énorme salaire en compensation de tous les désagréments qu’implique le fait d’être une personnalité publique. Et de ce côté-là, je vous assure que je mérite chaque centime que je gagne!»