Devinez quoi. Il y aura Quincy Jones, Van Morrison, Buddy Guy à Montreux. Mais aussi, comme l’année dernière, une très belle soirée néo-orléanaise avec Trombone Shorty et Dr. John. Et puis, pareil qu’en 2011, on ne s’en plaindra pas, Herbie Hancock. Sans compter les habitués qui surgissent à chaque coin de cette affiche où pose un homme nu dans le désert. Lorsqu’un éhonté pirate informatique a révélé mardi la programmation du Montreux Jazz, comme d’autres éhontés le font désormais chaque année, la première impression a été qu’il avait reproduit le déroulé de l’édition précédente.

Le mauvais esprit dont les journalistes font preuve la plupart du temps a ensuite été douché par l’annonce, certes déjà publiée, du concert de Bob Dylan dont on attend beaucoup. Et puis par la très belle soirée où D’Angelo suivra, sur le front de la néo-soul renouvelée, la diva Erykah Badu. Il faudra cette année s’inviter au festin afro de Toumani Diabaté, Kassav’ et Jorge Ben Jor. Rendre visite à Sinéad O’Connor, Noel Gallagher ou Rufus Wainwright. On se réjouit même de la rencontre entre Mark Ronson, producteur archi-convoité, et Nile Rodgers. Et puis, vérifier sur scène si Lana Del Rey mérite sa légende précoce.

Mais le Montreux Jazz Festival, dans sa 46e édition, semble avoir eu du mal à remplir ses 16 jours de festivités. On ne boudera pas le retour du retour de Bobby McFerrin et de Chick Corea, ni la prise de feux du guitariste Pat Metheny ou le blues ardent de Taj Mahal. On ne détournera pas le regard devant Juliette Gréco et Jane Birkin, associées en allitérations et bons mots testimoniaux. On rockera volontiers avec Nada Surf et The Ting Tings ou même avec Janelle Monae dont les récitals sont prodigieux et Pitbull, dont l’allure se scande à merveille.

Depuis quelques années, ce festival jongle entre une vocation à la découverte, au suivi des nouvelles scènes (moins évident, tout de même, depuis le départ de la programmatrice Lori Immi) et l’ambition d’atteindre un public plus âgé, pas forcément mélomane, mais qui continue de penser que la musique se paie. Qui offrira 78 francs au minimum pour entendre Jethro Tull? Qui en mettra dix de plus pour Bobby Womack? On ne mentionnera même pas la bonbonnière pop d’Anastacia puisque le programme de la soirée n’est pas encore totalement arrêté. Mais 88 francs, là aussi.

Le Montreux Jazz Festival, on le sait déjà depuis quelques années, souffre davantage de la déliquescence du disque et de la flambée des cachets que son concurrent gargantuesque, le Paléo. Comment convaincre plus de 4000 personnes de débourser l’équivalent de deux places de cinéma et un fast-food pour se rendre dans une salle de cerisier verni? Il faut miser sur des niches très motivées. Comme celle du metal symphonique finnois: Nightwish. Ou de la bluette cosmopolite: Amy McDonald et notre jeune gloire nationale, Bastian Baker.

Alors, le festival est dans son rôle absolument lorsqu’il convoque le crooner Tony Bennett, 85 ans, qui vend davantage de disques aujourd’hui que jamais grâce à un sentiment de nostalgie et de crise mondiale. Il l’est moins lorsqu’il multiplie les séances de pop glaçante. Au risque de perdre ce qui, un jour, a fait sa réputation: le goût non négociable pour la bonne musique.