Muriel Gilbert: L'Identité narrative
Labor et Fides, 277 p.
C'est en psychologue que la Lausannoise Muriel Gilbert a abordé l'une des œuvres philosophiques les plus complexes de notre temps, celle de Paul Ricœur. Et pour des psychologues, car la visée de son ouvrage est clinique: rendre accessible aux thérapeutes la conception ricœurienne de l'identité personnelle, qui était au centre de son maître livre paru en 1990, Soi-même comme un autre. La conviction de l'auteur était double: d'une part, que les cliniciens auraient tout à gagner à comprendre les thèses de Ricœur, qui, par la haute technicité de leur formulation, restent difficiles d'accès aux non-initiés; d'autre part et surtout – c'est la partie la plus originale de son livre – que les thèses de Ricœur elles-mêmes gagneraient à être questionnées par le regard du clinicien informé notamment par la psychanalyse. Pour Ricœur en effet, l'une des capacités «identitaires» fondamentales est la capacité à ramasser notre vie en forme de récit; mais alors, demande la psychologue, que faire de l'une des choses que nous a apprises la psychanalyse, à savoir que la mémoire autobiographique est fondamentalement lacunaire? Une bonne question, qui ne laisse pas intacte la notion même d'identité narrative.