Transmusique
Le concert donné par l’Orchestre de chambre de Genève a réuni une foule en délire. Pari réussi

Il faut bien l’approche de Noël pour oser ce genre de programme totalement décalé. On connaît les ciné-concerts, déjà passés dans une forme de tradition classique. Du côté de la variété, on a déjà pu assister à des soirées où certains chanteurs (Johnny Hallyday ou Julien Clerc, notamment…) ont ajouté des instruments classiques pour les accompagner. Les genres se tendent la main par-dessus les conventions, chacun pour ses raisons propres. Le rock pour s’assagir, le classique pour se débrider…
L’Orchestre de chambre de Genève (OCG) a carrément franchi la frontière de l’encanaillement. Le chef Nader Abbassi, ancien musicien de la formation genevoise, directeur de l’orchestre de l’Opéra du Caire, du philharmonique du Qatar et de l’orchestre de la Paix à Paris notamment, n’a peur de rien. L’OCG non plus. En proposant ensemble le projet «ABBA symphonique», ils ont franchement réalisé le grand écart. Que du pop-disco, rien que du pop-disco. Toute la nostalgie kitsch des années 70 avec ses costumes moulants en lycra scintillant, ses chaussures à plateformes et ses tubes mythiques. Avec ce plus qui fait tout: cinq musiciens de la formation originale sur la scène du Victoria Hall, avant Montreux le lendemain.
Phénomène «revival»
Il est amusant que le Théâtre du Léman annonce déjà la revenue de la comédie musicale ABBA Mania pour le dernier jour de l’année 2018, et que la très culturelle chaîne française de télévision Arte ait consacré, il y a une semaine, une de ses émissions aux groupes ABBA, Bee Gees et The Carpenters. Le phénomène revival bat son plein. L’OCG surfe judicieusement sur la vague. Et il faut le dire, avec un talent certain et un plaisir évident des musiciens.
Vendredi soir, la trentaine de hits proposés a soulevé l’enthousiasme d’une salle pleine à craquer. Voir une telle ivresse collective sous les dorures du Victoria Hall avait quelque chose de surréaliste. Les petites lampes de poche distribuées à l’entrée ont illuminé la nuit en se balançant, les sièges rabattus ont libéré le public qui chantait et frappait des mains à tout rompre, avant que hurlements et sifflets assourdissants n’acclament les chanteurs à la fin des chansons. Une soirée «classique» inclassable. Et irréelle…