Chaleur étouffante, grosse pression liée au baptême du feu de Renaud Capuçon à la tête de l’Orchestre de chambre de Lausanne: il régnait une ambiance particulière, mercredi soir à la Salle Métropole de Lausanne. Le public était venu nombreux pour cette soirée hautement symbolique. Une longue file s’était formée sur le trottoir, aux abords de la salle, pour présenter les certificats covid et pouvoir entrer à l’intérieur de la salle. Le concert a commencé avec quelques minutes de retard pour s’achever sur une salve d’applaudissements.

Faire ses débuts officiels en tant que nouveau chef titulaire de l’OCL est déjà un défi. Jouer en présence de caméras pour une retransmission en direct sur Arte Concert n’a pas facilité la tâche. En homme d’expérience, Renaud Capuçon a su garder son sang-froid tout au long de la soirée, entouré du premier violon François Sochard et de sa nouvelle équipe de musiciens soudés autour de lui.

Une soirée en deux temps

Dans une salle où la température semblait grimper de minute en minute, les musiciens transpirant et le public profitant de la pause (après une première «fausse pause» qui a induit les gens en erreur) pour se dégourdir les jambes, la soirée s’est déroulée en deux temps. Tout d’abord, Renaud Capuçon a joué deux Concertos pour violon de Bach, bientôt rejoint par son collègue François Sochard dans Tabula rasa d’Arvo Pärt. Puis il a troqué son violon pour une baguette, afin de diriger l’euphorisante Symphonie «Italienne» de Mendelssohn.

Plus d’une personne dans la salle a été dérangée par un ballet de lumières – des spots projetant des faisceaux mobiles à l’intensité variable – destiné à accompagner la captation filmée. On avait un peu l’impression d’assister à un «son et lumière» pas en phase avec la musique. Au bout d’un moment, il valait mieux fermer les yeux pour apprécier celle-ci.

Renaud Capuçon a fait étinceler son légendaire violon Guarneri del Gesù «Panette» dans Bach. Engagé, concentré, il a joué avec vigueur et sensibilité, le son fruité, lumineux, aux accents parfois tranchés. Une esthétique renvoyant à l’ancienne école des violonistes, quoique sans empâtements. Les cordes de l’OCL conservent leur élégance et articulation latine.

Arvo Pärt hypnotique

On a apprécié en particulier les mouvements lents, anticipant l’ambiance lunaire de la pièce d’Arvo Pärt qui suivait. Fascinant Tabula rasa qui mêle deux tendances a priori contradictoires: statisme et avancée inexorable vers un ailleurs. Ici, le duo formé par Renaud Capuçon et son collègue violoniste François Sochard a donné lieu à de très beaux échanges. La partie de piano préparé, mêlée à un savant maillage de motifs, confère à la musique son caractère hypnotique. Les cordes aux alentours forment comme un écrin qui ne cesse de s’étendre. Immense et fragile.

Accents toniques

A l’inverse, la Symphonie «Italienne» de Mendelssohn nous ramenait en terre ferme. Beaucoup d’allant dans le premier mouvement, aux accents énergiques, aux cordes drues, aux forte un peu assénés, parfois brutaux. Renaud Capuçon prône une battue rythmique. Il maintient le tempo de bout en bout, les gestes un peu hachurés et convulsifs; mais gageons que la souplesse viendra avec le temps! Il anime la cadence des phrases, d’où une pulsation constante dans le deuxième mouvement. On aurait aimé un peu plus d’élasticité et de soyeux dans le troisième mouvement (quelques scories de-ci de-là). Le Finale est martial et éclatant, plein d’élan, crescendi bien dosés.

Le public a acclamé le violoniste très investi dans sa nouvelle mission de chef. Renaud Capuçon a fait lever les différents pupitres de l’orchestre au moment des saluts, conscient que cette nouvelle corde à son arc, il la doit au collectif de musiciens autour de lui. Il prend à cœur l’opportunité qui lui est offerte de se révéler autrement, apportant de son côté la touche «star» qui fera luire l’OCL.


Ce concert est également jouré vendredi 17 septembre à Martigny, Fondation Gianadda. Il est également disponible sur Arte Concert jusqu’au 12 décembre et sera diffusé sur Mezzo.