Bill Carrothers en récréation
Le pianiste retrouve ses complices favoris pour un tour du jazz sans œillères
Bill Carrothers n’est pas l’homme d’un seul trio. Ni même du trio en général comme panacée de l’improvisation. Trop de projets se bousculent dans ses neurones et sous ses doigts de non-aligné du clavier pour qu’il consente à s’enfermer dans une formule, fût-elle miraculeuse. Mais bon, le fait est que ces trois-là se voient souvent, et c’est d’autant plus notoire que chacune de leurs rencontres ou presque se solde par un disque, généralement d’émoi. Normal: avec Drew Gress à la contrebasse et Bill Stewart à la batterie, on a affaire à un triangle parfaitement équilatéral où les idées jaillissent à part égale de chacune de ces trois pierres angulaires.
Leur immersion commune dans le répertoire de Clifford Brown est une nouvelle illustration de cette circulation trinitaire de l’inspiration à l’intérieur du groupe. La façon insolite dont ils arrangent-dérangent «Jordu», «Daahoud» ou «I Remember Clifford», thèmes emblématiques des fifties devenus standards incontournables du jazz et parfois au-delà, dit bien qu’ils entrent dans cet univers par la porte de la re-création radicale: celle, précisément, qui ouvre sur la cour de récréation, lieu d’abandon ensoleillé du bagage scolaire et de la pose studieuse. Une approche de décloisonnés qui doit donner de l’urticaire à Wynton Marsalis – mais qu’importe, le jazz n’étant pas sous tutelle, on peut encore y circuler sans laissez-passer. Que la fête continue!