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Brahms royal, entre passion et grandeur

Les Rencontres musicales d’Evian ont débuté tambour battant. L’aventure classique est en plein épanouissement pour sa sixième édition

Le chef Herbert Blomstedt et la violoniste Janine Jansen ont enjambé les générations lors d’un magnifique concert autour de Brahms. — © Aline Paley
Le chef Herbert Blomstedt et la violoniste Janine Jansen ont enjambé les générations lors d’un magnifique concert autour de Brahms. — © Aline Paley

La canicule? Elle semble avoir évité Evian. L’air y circule agréablement, au bord du Léman comme dans la Grange au Lac. Grâce à un procédé d’aération sans climatisation, le free cooling, la magique salle en bois peut aujourd’hui accueillir le public dans une atmosphère relativement tempérée, que les éventails rendent tout à fait supportable. Sur scène, les projecteurs n’aident pas, mais la musique fait tout oublier. Et quelle musique!

Pour l’ouverture de la 6e saison des nouvelles Rencontres musicales, un concert mémorable aura marqué la soirée. Le doyen des chefs d’orchestre, l’élégant et sobre Herbert Blomstedt, dirigeait l’orchestre de la Tonhalle de Zurich. Sa prestance naturelle, son autorité amicale et la simplicité de sa gestique rendent sans âge l’artiste de 92 ans.

Sans partition

A mains nues, doigts réunis et mouvements sans effets, le chef soulève les énergies sans forcer. Et dans la 3e Symphonie de Brahms, livrée sans partition en deuxième partie, un regard, un arrondi de bras ou un doigt pointé suffisent à orienter les élans, dégager les plans et varier les couleurs sonores.

La Tonhalle est un orchestre souple et réactif. Les musiciens suivent le maître avec admiration, dans une magnifique cohésion et un esprit de groupe sans faille. Leur Brahms, charnel et sec à la fois, grand et humble, pétri d’influences populaires et tourné vers le ciel, respire large et monte haut. On en parcourt avec aisance les lignes internes comme on en savoure la vigueur et le moelleux des sonorités. Une leçon de classicisme et de hauteur de vue.

En soliste? La fabuleuse violoniste Janine Jansen. La jeune femme vient d’être nommée professeure sur le site de Sion de la HEMU lausannoise. Une apparition lumineuse dans le paysage musical suisse romand.

Des aigus surréalistes

Dans le Concerto pour violon de Brahms, la musicienne éblouit. Par son engagement d’une intensité absolue, qui la voit se fondre physiquement à l’orchestre. Elle discourt avec chaque pupitre, inspirant les uns, révélant les autres. Son jeu brûlant et vibrant, ses attaques cinglantes, son lyrisme généreux et ses aigus surréalistes donnent des ailes à la partition, qui se trouve dénuée de toute lourdeur et épaisseur sous son archet vif-argent.

Le jeu passionnel de la soliste et la main tranquille du chef auraient pu se contrarier. Ils ont trouvé, avec Brahms, et deux caractères d’une totale générosité, une concentration commune et une complémentarité heureuse.

Les prochains rendez-vous à prix mini

On peut toujours consulter les programmes en ligne, ou se procurer les brochures des festivals pour en connaître les détails. A Evian comme ailleurs. Mais ce qui fait le grand plus des Rencontres musicales, avec la qualité des artistes invités et le choix des œuvres à l’affiche, on ne le constate qu’en cherchant un peu. Ce sont les tarifs. Imaginez: avec le prestigieux concert d’ouverture, ajoutez Gustavo Dudamel, Renaud Capuçon, Michel Dalberto, Benjamin Grosvenor, Emmanuel Pahud, Claire-Marie Le Guay ou Paul Meyer notamment, des jeunes musiciens en devenir et le Quatuor Modigliani, qui soutient les quatre pousses du Quatuor Arod. Tout ce beau monde se réunit à Evian, pour des places allant de 16 à 60 euros. Qui dit mieux? Pas grand monde… S. Bo.

Rencontres musicales d’Evian, jusqu’au 6 juillet.