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A cause du coronavirus, le classique en mode mineur

Les institutions musicales s’ajustent au cas par cas aux mesures fédérales. Des parcours du combattant éprouvants

Image d'illustration. — © DR
Image d'illustration. — © DR

Si la musique adoucit les mœurs, elle n’amadoue pas le coronavirus. Atteintes au cœur, les institutions classiques s’adaptent elles aussi douloureusement aux directives fédérales. Il faut également faire face à la désaffection des spectateurs qui redoutent le virus. Et le public âgé de plus de 65 ans, invité par les autorités à rester à domicile, représente une part non négligeable de l’audience. Chaque organisme cherche la parade adaptée à son cas.

Certains annulent, tels les concerts Migros Classics. «Pour nous c’est une question de cohérence et de responsabilité civique», explique Mischa Damev, responsable de la programmation. «Nous ne pouvons pas prioriser certains spectateurs au détriment d’autres. Et nous ne voulons pas exposer notre public et les artistes à un possible danger. Les spectateurs peuvent être redistribués sur des concerts ultérieurs. Sinon, nous remboursons. La direction de Migros nous soutient, c’est un atout énorme. Après l’annulation des récents concerts, nous attendons de savoir si nous pouvons maintenir ceux prévus début avril.»

Maintenir ou annuler?

Certains maintiennent, comme l’OCG. «Le BFM compte 985 places. Nous ne sommes donc pas trop touchés. La traçabilité du public est d’autre part respectée car nous demandons l’identité et les coordonnées de chaque personne», déclare Caroline de Senger des relations publiques. L’orchestre s'est en outre lancé dans la première diffusion en streaming direct, en collaboration avec Léman Bleu. Quarante pour cent du public n’est pas venu. L’opération a permis aux absents d’être présents d’une autre façon. «La vidéo a pu être réalisée très rapidement dans des conditions privilégiées grâce à un prestataire professionnel que nous connaissions. En définitive, il y aura eu 10 000 vues à ce jour, dont 450 le soir même du concert, révèle Sébastien Leboisne de la billetterie. Nous verrons si nous réitérerons l’expérience, qui a un coût.»

Certains annulent et diffusent. A l’OCL, la RTS a été sollicitée immédiatement et a répondu présent. Un des deux concerts de Renaud Capuçon a été enregistré à huis clos pour être diffusé sur Espace 2 en direct. Puis en différé sur la chaîne RTS 2 le lendemain, histoire de laisser une trace du premier passage du violoniste à la baguette (LT des 04 et 06.03.2020). L’avenir dépend de la prochaine annonce fédérale.

Idem à l’OSR où deux des trois prochains concerts de cette semaine ont été annulés. Mais grâce au partenariat qui lie l’institution à la RTS, le premier sera enregistré sans public et diffusé le mercredi en direct sur les ondes d’Espace 2. Et une captation de la télévision a été organisée dans l’urgence. «Nous attendons les créneaux horaires du différé», annonce le directeur général Steve Roger. «Le streaming permettra à notre public de voir un concert original, sorte de combinaison des deux programmes initialement prévus.» Pour les prochains rendez-vous qui se profilent fin mars dans le cadre d’Archipel, aucune décision n’est encore prise. «Pour l’instant, le nombre de spectateurs est en dessous de la jauge autorisée et nous attendons l’évolution de la situation au jour le jour. Comme il n’est pas possible pour nous de reporter les artistes et les chefs invités sur des dates précises, nous devons nous adapter au cas par cas en fonction de la situation.»

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Une autre réalité

Il y a aussi une autre réalité: la proximité des instrumentistes d’orchestre. A l’OSR, qui compte 112 musiciens, un des membres a côtoyé une personne infectée. «Nous adoptons une totale transparence. La personne concernée, même sans symptômes, a été invitée à rester chez elle pour cette série. Nous la remplaçons sur la soirée prévue. Et nous avons demandé à tous les musiciens de déclarer s’ils ressentent des troubles afin de pouvoir prendre les mesures nécessaires.»

Du côté du GECA, plus fragilisé par les annulations puisque non subventionné, les responsables sollicitent leur public. Ils demandent un soutien par le renoncement au remboursement des billets, et suggèrent de faire un don, ou de devenir «Ami» de l’orchestre. L’agence privée Caecilia, elle, suit les directives. «Nous avons bloqué les réservations avant le cap des 1000 pour le prochain concert, et la série de musique de chambre n’est pas touchée, puisque la salle comprend 600 places», révèle le directeur Pedro Kranz. «Mais pour le mois de mai, selon la situation cela va être très compliqué. Le nombre autorisé est déjà dépassé. Comment le réduire, malgré les personnes qui renonceront? Et nous ne remboursons que si un orchestre ou un artiste se désiste. C’est très délicat.»

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A l’Opéra, on déchante, mais on joue. Du côté du Grand Théâtre, la réduction de la jauge reste de mise. «Ce sera moins restrictif pour la prochaine création mondiale, qui implique moins de monde sur scène et en fosse que les Huguenots», révèle l’attaché de presse Olivier Gurtner. «Le manque à gagner n’est pas trop important car nous conservons nos abonnés et, pour l’achat au billet, nous proposons un avoir pour d’autres productions. A ce jour, nous n’avons dû rembourser qu’une quarantaine de billets.» Quant à Lausanne, étant donné les 960 places de la salle lyrique et les 50 sièges de la fosse, les prochaines productions sont maintenues à l’équilibre pour chaque représentation, en attendant les décisions ultérieures. Autant de cas particuliers qui, comme tous le soulignent, mettent l’ensemble des professions classiques en réelle difficulté. Et la musique sur pause…

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