Le directeur artistique, Jean-Yves Cavin, expliquait alors que le festival, malgré une édition record en 2018, restait malgré tout toujours précaire. Il ne se doutait alors pas qu’une année plus tard, un virus venu de Chine allait possiblement mettre le Cully Jazz en faillite.
Prendre les devants
Au téléphone, le Vaudois est abattu. «Ce n’était plus possible, cela n’avait plus aucun sens de maintenir notre 38e édition», soupire-t-il. Celle-ci devait se dérouler du 27 mars au 4 avril, avec comme toujours, en marge des scènes du Next Step et du Temple, et des nombreux caveaux qui constituent le cœur du off, un grand chapiteau pouvant accueillir entre 950 et 1500 spectateurs en fonction de sa configuration. Or il est fort probable que le Conseil fédéral annonce ce vendredi le prolongement, voire le renforcement, des mesures prises pour l’heure jusqu’au 15 mars, dont l’interdiction des manifestations réunissant plus de 1000 personnes.
Pour Jean-Yves Cavin, il ne faisait aucun doute que le festival ne pourrait avoir lieu. Mais plutôt que d’attendre une interdiction officielle, il a dû prendre lui-même la douloureuse décision, en collaboration avec Guillaume Potterat, codirecteur chargé de la logistique et des infrastructures, de tirer la prise.
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Déficit «entre gigantesque et colossal»
Le montage du chapiteau aurait dû commencer il y a une semaine déjà. Pour être sûr qu’il soit livré à temps, le dernier délai pour démarrer les travaux était fixé à ce lundi. Mais pour rattraper le retard, il aurait fallu augmenter les équipes de construction. Les frais de montage se seraient alors élevés à 30 000 francs par jour.
«Nous avons beaucoup discuté ces derniers jours avec le Conseil d’Etat et les autorités compétentes, qui nous ont recommandé d’annuler le festival, sans pouvoir pour autant formuler une interdiction définitive sans connaître les nouvelles mesures fédérales», explique Jean-Yves Cavin. «En tant qu’organisateurs, nous ne pouvions décemment pas décider d’organiser un événement dont le but est de rassembler des gens, puis leur dire de ne pas venir.»
Notre interview de Jean-Yves Cavin en 2017: «Le Cully Jazz Festival est un véritable écosystème»
Pour l’heure, les conséquences financières de cette annulation sont difficiles à chiffrer. «En tant qu’association à but non lucratif, le Cully Jazz génère plus de 70% de ses recettes pendant la manifestation, notamment par la vente de billets, de nourriture ou de boissons», explique un communiqué officiel. «Cette annulation le fragilise gravement et met en péril sa survie, d’autant qu’il ne possède aucune assurance capable de couvrir les pertes d’une annulation en cas de force majeure.»
Pour Jean-Yves Cavin, le déficit budgétaire sera «entre gigantesque et colossal». Il existe dès lors un risque bien réel de faillite et de disparition définitive du festival. D’autant plus que les frais déjà engagés pour la tenue de l’édition 2020 sont très importants.
Appel aux dons
Cette situation est inédite. Jusque-là, aucune manifestation culturelle n’avait brandi le spectre de sa mort. Mais la situation du Cully Jazz, qui s’articule autour d’une grande scène éphémère, d’une constellation de plus petits lieux et d’un périmètre de fête relativement restreint, est, il est vrai, différente des festivals hivernaux, à l’image de Voix de fête (du 16 au 22 mars à Genève), qui se déroulent pour la plupart exclusivement dans des salles accueillant moins de 1000 personnes.
Afin d’éviter la faillite, le Cully Jazz espère pouvoir compter sur le soutien des partenaires tant publics que privés qui ont jusque-là permis sa survie dans un contexte, celui de l’industrie de la musique live, fortement ébranlé ces vingt dernières années. Et pour minimiser l’impact financier de son annulation, le festival travaille à tous les scénarios possibles. En proposant notamment aux détenteurs de billets de faire un don en renonçant au remboursement auquel ils ont droit.