La culture, un fragile écosystème
EDITORIAL. L’annulation du Cully Jazz met en lumière l’équilibre précaire sur lequel reposent les événements culturels. Le secteur génère des milliards mais vacille sous les assauts du coronavirus

Et une manifestation de plus qui jette l’éponge. Lundi après-midi, un communiqué du Cully Jazz Festival faisait suite à une longue succession d’annulations en tous genres. Mais avec un message inédit: les organisateurs du rendez-vous printanier y évoquent la possibilité d’une disparition définitive.
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En Suisse, la culture génère un chiffre d’affaires annuel de quelque 70 milliards, se réjouissait l’Office fédéral de la culture en 2015. Des transports à l’hôtellerie, de la restauration aux petits artisans, en passant par une multitude de professions diverses (graphistes, publicitaires, etc.), c’est un vaste écosystème qui bénéficie des retombées liées à l’extrême richesse de l’offre. Or voici que le coronavirus est en train de terrasser ce secteur qui, certes, brasse des milliards, mais repose aussi sur un modèle précaire. Car il dépend massivement d’aides publiques et privées, tout en fonctionnant, en dehors des grandes institutions, grâce au bénévolat et à des associations à but non lucratif.
Château de cartes
L’exemple du Cully Jazz est symptomatique des nombreux effets collatéraux qu’un événement supprimé peut engendrer. Premiers concernés, les artistes: certains comptaient sur leur venue en terre vaudoise, promesse d’un cachet intéressant, pour ensuite effectuer un tour d’Europe des clubs. Avec cette date à rayer des agendas, sans parler de l’impossibilité de jouer en Italie du Nord et dans d’autres régions fortement touchées par le coronavirus, plusieurs tournées sont en péril. Des ingénieurs du son aux éclairagistes, en passant par les ouvriers spécialisés dans le montage des scènes, de nombreux métiers sont également impactés. Sans parler des vignerons, qui pour certains réalisaient 10% de leurs recettes annuelles à Cully.
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En Suisse, en Europe et ailleurs dans le monde, les annulations vont bon train. Au Texas, le festival South by Southwest n’aura pas lieu. En Californie, le géant Coachella est menacé. Il est probable qu’à l’heure où les grandes manifestations estivales bouclent leur programmation, certaines têtes d’affiche renoncent à prendre la route. Soudainement, l’économie florissante de la culture ressemble à un château de cartes au bord de l’effondrement. C’est inquiétant. Aux collectivités, dès lors, de prendre leurs responsabilités.