Le bon docteur du rap de retour aux affaires
Hip-Hop
Le rappeur milliardaire Dr. Dre sort aujourd’hui un nouvel album après 16 ans de silence. «Compton: A Soundtrack by Dr. Dre», sera disponible en exclusivité sur la plateforme Apple Music et sur iTunes

Le bon docteur du rap de retour aux affaires
Légende Le rappeur milliardaire Dr. Dre sort aujourd’hui un nouvel album après seize ans de silence
«Compton: A Soundtrack by Dr. Dre» sera disponible en exclusivité sur la plateforme Apple Music et sur iTunes
C’est ce qu’on appelle un bon deal. Le 28 mai 2014 le rappeur Dr. Dre vendait à Apple sa petite entreprise de casques audio et de musique en ligne. La firme à la pomme surprenait tout le monde en achetant Beats Electronics 3 milliards de dollars. Une somme rondelette, même pour l’entreprise de Cupertino. Mais que diable allait donc faire dans cette galère le fabricant d’ordinateurs, le tycoon du smartphone et d’iTunes? Entrer sur le marché des chansons en streaming où il n’avait pas encore mis les pieds. Un an plus tard, Apple lançait la plateforme Apple Music.
Ce qui explique que Dr. Dre lui ait réservé l’exclusivité de son dernier album disponible dès aujourd’hui en téléchargement (seulement à partir de lundi en Suisse), mais dont aucun morceau n’a encore fuité. Ou plutôt si, mais brièvement. Hier pendant trois petites heures le nouvel opus pouvait s’écouter librement sur le site d’Apple.
Cela dit, le résultat ne devrait pas révolutionner le genre. Dre, 50 ans cette année, va reprendre la recette qui a fait son succès: des rythmes sexy, des basses qui font godiller les amplis, un son ultra produit et des featurings comme s’il en pleuvait. Eminem, Snoop Dogg, tous les copains de trente ans sont là. Plus quelques autres, plus jeunes, représentant la nouvelle scène hip-hop (Marsha Ambrosius, BJ the Chicago Kid, Kendrick Lamar natif de Compton, Californie, comme Dr. Dre). Si le disque jouit d’une attente quasi messianique, c’est que le rappeur a pris son temps. Son dernier disque date d’il y a seize ans. Dr. Dre avait pourtant promis de revenir dès 1999, au moment de la sortie de 2001. Il avait même prévu Detox avec la liste des invités des grands soirs: Jay-Z, RZA, Snoop Dogg et forcément Eminem. Deux singles sortiront en 2010 et 2011. Mais «Kush» et «I need a Doctor» resteront orphelins. Dr. Dre a balancé tout le reste. Detox restera dans un tiroir où il cultivera son mythe d’Arlésienne de l’industrie musicale.
Revoilà donc Dr. Dre en 2015 avec un disque dont l’intitulé à rallonge – Compton: A Soundtrack by Dr. Dre – fait d’une pierre deux coups. Comme son nom l’indique, la musique sert aussi de bande originale à un film. N.W.A.-Straight Outta Compton sort la semaine prochaine sur les écrans, mais le 9 septembre en Suisse. Le biopic s’intéresse à N.W.A, groupe de rap apparu à Los Angeles en 1986 et auquel Dr. Dre appartenait avec tout le ban et l’arrière-ban du gangsta rap (Ice Cube, DJ Yella), style dont il est l’un des instigateurs. Un genre dur et âpre qui syncope sur la violence des gangs, prône l’argent, les grosses bagnoles, déconsidère les filles et préconise l’éradication de toutes formes d’autorité. Dr. Dre et N.W.A martèlent «Fuck Tha Police» et se mettent à dos tous les flics du pays, jusqu’au FBI qui tente par tous les moyens de les interdire de concert. Ce qui fait de bonnes histoires à raconter. Un disque et un film sur sa vie: chez Dr. Dre rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme en or. Un bon deal.
L’affairisme, c’est même toute la vie d’Andre Romelle Young (son vrai nom pour l’état civil) dont la discographie tient sur un timbre-poste. Compton compris, le rappeur a sorti sous son nom en tout et pour tout trois albums en vingt-trois ans (The Chronic en 1992 et 2001 en 1999), tous d’énormes cartons. Car son talent est aussi ailleurs. Dans la production par exemple. En marge de ses activités artistiques, il a monté un label, Death Row Records, en 1991 avec plusieurs associés. Il s’occupe de Snoop Dogg, rappeur laconique et talentueux et plus gros fumeur d’herbe du circuit. Il rencontre 2Pac avec qui il produit California Love, hymne gangsta solaire avec son rap au vocoder.
A la fin des années 1990, Dre change de label et repère un jeune Blanc de Détroit qui scande un flow de Blacks. Il prend Eminem sous son aile. Il en fera une superstar, prélevant au passage sa commission. Avec l’arrivée de 50 Cent et de Mary J. Blige son écurie s’agrandit. Son influence aussi. Le petit DJ qui se faisait appeler Dr. J dans les clubs où il passait au tout début de sa carrière devient un poids lourd de l’industrie discographique. En bon businessman, il est malin et évite d’ajouter de l’huile sur le feu. Pendant que les rappeurs de la côte Ouest et ceux de la côte Est se clashent, lui se garde de prendre parti dans ces rivalités absurdes. Entre 1996 et 1997, la guerre du rap laissera 2Pac (West Coast) et Notorious B.I.G. (East Coast) sur le carreau. Elle traumatisera toute une génération qui ne s’en est toujours pas vraiment remise. Et qui comble l’ennui d’une vie désormais confortable et bien remplie. Snoop Dogg sur sa chaîne de WebTv où il roule des pétards épais comme un bras, Ice Cube en faisant du cinéma et Dr. Dre qui a donc décidé de sortir de sa retraite de milliardaire pour revenir aux affaires. Sur la pochette de son nouvel album, le mot Compton remplace la fameuse enseigne Hollywood qui surplombe Los Angeles. La photo est prise de derrière avec les buildings de LA droit devant. Comme si du haut de sa colline Dr. Dre se tenait de nouveau prêt à prendre la ville. Un bon deal, on vous dit .
Les recettes de son succès? Des rythmes sexy, des basses qui font godiller les amplis, et des featurings comme s’il en pleuvait
Sur la pochette de son nouvel album, le mot Compton remplace la fameuse enseigne Hollywood au-dessus de Los Angeles