Fabio Biondi est ce violoniste natif de Palerme apparu sur la scène baroque il y a près de trente ans. Il fait partie de la première génération de musiciens baroques italiens qui ont dépoussiéré les interprétations de Vivaldi, Geminiani et Boccherini. Jeudi soir, il faisait son retour au Victoria Hall de Genève, escorté d’une douzaine de musiciens de l’ensemble Europa Galante fondé en 1990.

Aujourd’hui, c’est un mélange de vétérans et de jeunes recrues qui composent cet ensemble. Ils n’ont rien perdu de leur chic. Loin de vouloir imposer un style estampillé «baroque», ils jouent avec allant et naturel. Un certain bon sens terrien allié à une élévation spirituelle caractérise ces interprétations. On est loin des tics agaçants qui caractérisaient certaines versions sur instruments d’époque des années 1990 voulant absolument se démarquer du mainstream et imposer des relectures décapantes, au risque de verser dans un style entre rock et hip-hop aux coups de boutoir exagérés.

Traits virtuoses jaillissant comme des flammèches

D’emblée, on apprécie la plénitude des archets baroques dans le Concerto grosso no 12 en ré mineur de Geminiani d’après la Sonate «La Follia» d’Arcangelo Corelli. Le thème de La Follia, très populaire aux XVIIe et XVIIIe siècles, se prête à toutes sortes de variations. Le premier violon Fabio Biondi et le violoncelle solo Alessandro Adriani y sont très sollicités, ponctuant le discours de traits virtuoses jaillissant comme des flammèches. Aucune dureté dans le son global, d’une belle homogénéité.

D’une manière générale, Fabio Biondi joue avec esprit et vivacité, toujours prêt à rebondir sur les phrases musicales. Il est rejoint par la violoniste Elin Gabrielsson dans un magnifique Concerto du recueil L’Estro armonico de Vivaldi. Les deux archets se marient bien, en dépit de menues scories qui n’enlèvent rien à la qualité de l’interprétation. Le Concerto en ré majeur BWV 1054 de Bach permet d’apprécier la claveciniste de l’ensemble, Paola Poncet. Jeu bien articulé, clarté du discours; on regrette que le son du clavecin se disperse dans une salle aussi grande que le Victoria Hall.

Aigus voltigeurs

Fabio Biondi troque son violon baroque pour une viole d’amour dans un Concerto en ré mineur de Vivaldi à la couleur un peu mélancolique. Puis il revient à son instrument premier pour le Concerto «Per Anna Maria» particulièrement sollicitant pour le soliste. Traits périlleux, ribambelles de notes qui donnent l’impression de plafonner dans l’aigu: l’Italien fait voltiger les notes. A 60 ans, il demeure très sûr d’un point de vue technique et ne craint pas les difficultés violonistiques.

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La Petite musique de nuit de Mozart clôturait ce concert au programme très consensuel. On craignait l’ennui, tant l’œuvre est rabâchée, mais Fabio Biondi et ses amis de l’Europa Galante y insufflent un air vivifiant. Cette interprétation nous rappelle que le champion du classicisme viennois – Mozart – a émergé de l’ère baroque. Acclamé chaleureusement, le violoniste prend brièvement la parole pour introduire le bis dans un français limpide: la Barbaresca de Biber. Une réussite!