Au festival Hors Normes, les beautés hors cadre des musiques parallèles

Dans son éditorial, le festival Hors Normes est limpide: son «[…]objectif prioritaire [est de] sortir de la zone de confort afin de prendre le risque de se donner la chance d’entendre et écouter du son neuf, donc inhabituel.» La «zone de confort», disent les psychologues, c’est «[…] cet état […] dans lequel on est à l’aise, dans un connu que l’on sait gérer. Elle regroupe l’ensemble des habitudes, croyances, connaissances et savoir-faire préalablement acquis qu’elle permet de consolider, et développe ainsi la confiance en soi.»

Retournons le propos, ou plutôt détournons-le, et posons que la confiance en soi est un processus cumulatif, qui résulte de la somme des expériences déstabilisantes qu’on aura su convertir en moments de plaisir. Le procédé ne sera pas forcément validé sous la pipe du Dr Freud, mais en termes de vécus esthétiques, l’expérience nous indique qu’il est opérant: c’est en effet en se confrontant à l’altérité qu’on découvre de nouvelles modalités de la beauté.

Musiques parallèles

Revenons à Hors Normes. Depuis 12 éditions maintenant, ce festival cornaqué par le Combier Loïc Grobéty fait ouvrir grand les oreilles aux musiques parallèles. Elles peuvent être assourdissantes, ou fugaces; musculeuses, ou éthérées; sombres, ou pavides – mais toujours à la fois incarnées et diablement inouïes.

Tenez, empoignez le programme. Voici le Normand Eryck Abecassis (vendredi 26), un tourneur de fantômes électriques. Ensuite viendront Elio Amberg et Christian Zemp (guitare et saxophone), qui volatilisent le jazz en animalcules. En ouverture, Loïc Grobéty aura fait sonner sa contrebasse comme l’écho d’une vallée noire (le projet, solo, se nomme A Cordes perdues). Voilà, le surlendemain, Ilia Belorukov et Christian Müller: le premier est un autre saxophoniste de l’extrême, le second (qui collabore d’ailleurs avec Grobéty dans Convulsif, groupe métallique tout en angles) est une antenne magnétique. Le même soir, Simone Aubert (qu’on connaît à Genève pour le panache qu’elle met dans Tout Bleu, Hyperculte ou Massicot) proposera la première d’une œuvre électronique tout en immersions.

«De la musique avant toute chose, /Et pour cela préfère l’Impair», écrivait, en 1874 déjà, ce vieux punk de Verlaine. Ce sera le cas dans le vallée de Joux ce week-end: chacune des rencontres précitées (et les quatre autres au programme) exigera une écoute attentive, au rebours des attendus. Ou plutôt non: elles inviteront, avec la délicatesse claudicante des premières fois, à se dessaisir des certitudes, à se laisser entraîner par la rugosité de l’inattendu.

Festival Hors Normes. Le Pont, divers endroits. Du 26 au 28 mai.