C’est la course. Le Concours de Genève débute ce soir, et la vingtaine d’étudiants inscrits au séminaire de musicologie de l’Université a bien peu de temps pour réaliser deux documentaires d’un petit quart d’heure. Pour des élèves qui ne connaissent rien ou pas grand-chose à la pratique et au langage cinématographique, le cours intitulé «Filmer la musique» représente une découverte et une forme inconnue de stress. Les voilà hors de leur zone de confort et de connaissances pour se lancer un défi qui titille leur curiosité.

L’idée originale de cette expérience revient à trois personnes: Nancy Rieben, chargée d’enseignement en musicologie de l’Université genevoise, Ulrich Mosch, professeur dans la même unité, et Didier Schnorhk, secrétaire général du Concours de Genève.

Témoignage de l’édition suivie

Pourquoi ce projet? «C’est une façon de diversifier la discipline du département universitaire de musicologie, jugée plutôt sérieuse, en élargissant et modernisant les pratiques et en offrant de nouvelles possibilités professionnelles à la fin des études», expliquent les deux enseignants.

«Du côté du Concours, cela permet à notre manifestation de s’inscrire dans un cursus qui dépasse le parcours purement instrumental et musical, de le faire rayonner grâce au résultat d’un travail collaboratif créatif et de présenter le film réalisé en fin de parcours comme témoignage de l’édition suivie», confie le responsable de la compétition, dévolue cette année au piano et à la clarinette.

Dans la salle 212B d’Uni Bastions, les participants sont invités, tous les lundis à midi, à rencontrer un réalisateur ou une réalisatrice ayant produit un film autour de la musique. L’art tri-millénaire du qin chinois par Maryam Goormaghtigh, par exemple. Dans son film Heart of the Qin in Hong Kong, la jeune cinéaste suit avec délicatesse le parcours de maîtres et de joueurs de ce poétique instrument à soie, après la mort, en 2007 à 102 ans, d’une de ses plus fameuses représentantes: Tsar Teh-yun.

Expériences et sensibilités diverses 

Que viennent chercher les étudiants dans ce séminaire qui s’étale du 8 octobre au 3 décembre? Majoritairement une découverte. Et, pour certains, l’approfondissement d’une matière qui leur tient à cœur ou qu’ils ont déjà un peu pratiquée. Conseils, exemples, choix des sujets, exercices: les six réalisateurs invités offrent un beau panel d’expériences et de sensibilités qu’ils transmettent aux jeunes venus les écouter avant de voir leurs films le soir à 20h au Grütli.

Qu’on en juge: Bettina Ehrhardt a ouvert les feux avec A Trail on the Water – Abbado, Nono, Pollini, et Raphaëlle Régnier les fermera avec son Ostinato consacré au violoniste Tedi Papavrami, qui sera présent pour témoigner de leur rencontre et de leur travail. Entre ces deux rendez-vous, rien de moins que Bruno Monsaingeon avec son Mstislav Rostropovitch, l’archet indomptable, Enrique Sanchez Lansch et Le Reichsorchester: l’Orchestre philharmonique de Berlin et le IIIe Reich, et Uli Aumüller pour son Science-Fiction of Yesterday – The Opera South Pole by Miroslav Srnka.

Deux groupes ont été composés autour de deux sujets choisis parmi quatre propositions. D’un côté, dix étudiants se consacreront à l’œuvre contemporaine inscrite au programme de la compétition; de l’autre, dix autres cinéastes en herbe suivront le parcours d’un candidat.

Une organisation très prenante

Quelles particularités présente cette session par rapport à deux séries de séminaires sur l’écriture, la rédaction de programmes, biographies ou autre, et la critique musicale par exemple, organisées à deux reprises en collaboration avec le Concours Clara Haskil? «Le temps imparti est beaucoup plus serré ici, révèle Nancy Rieben. Le Concours Clara Haskil a lieu en été pendant les vacances sur un lieu concentré, ce qui était très pratique pour les participants.»

«A Genève, la saison des cours universitaires est en pleine activité et il faut que les étudiants fassent beaucoup d’allers-retours entre leur lieu de vie et de travail et ceux des musiciens ou des personnes impliquées dans leurs documentaires. L’organisation est très prenante. De plus, le maniement d’une caméra et l’apprentissage de la technique et des codes cinématographiques sont beaucoup plus nouveaux pour des musicologues.»

De son côté, Ulrich Mosch est ravi de cette aventure, qui se pratique déjà en Allemagne, où il travaille aussi. Il aimerait beaucoup voir se généraliser et s’harmoniser de tels cours, mais «la logistique et les questions financières sont encore à définir et à mettre en place. Nous avons besoin de temps, mais nous finirons par y venir. Il faut bien évoluer avec son époque…»


73e Concours de Genève, piano et clarinette, du 29 octobre au 15 novembre. Rens. www.concoursgeneve.ch, 022 328 62 08.

Université de Genève, «Filmer la musique», tous les lundis jusqu’au 3 novembre, puis le 3 décembre. Rens. www.unige.ch, 022 379 71 11.