Le Geneva Camerata dans les bras de Marie-Claude Pietragalla
Musique
Pour son dernier concert de la saison, joué devant 50 personnes et diffusé en streaming, le Geneva Camerata a invité la danseuse française. Spectacle saisissant, avant une saison 2021-2022 plus protéiforme que jamais

Il a fallu choisir. Et ce sont finalement les familles d’accueil des musiciens, les bénévoles et quelques partenaires qui ont été invités dans la salle du BFM pour le dernier concert de la saison du Geneva Camerata (GeCa). Afin de ne pas avoir à trier arbitrairement parmi les 350 abonnés qui avaient acheté leurs places, les responsables ont opté pour une solution conviviale. Les heureux élus se souviendront de ce moment particulier, comme les spectateurs branchés sur la plateforme YouTube de l’orchestre.
Dans tes bras à jamais: le titre consolateur et invitant révèle plutôt un spectacle distancé et dérouté. Car au-delà de la performance exceptionnelle que représentent les concerts chorégraphiés dont le GeCa est devenu l’un des spécialistes, l’adéquation entre l’incessante mise en mouvements des musiciens et la narration dansée de Marie-Claude Pietragalla ne s’avère pas si évidente. Pas plus que l’organicité entre la 9e Symphonie dite «Du Nouveau Monde» de Dvorak et l’histoire qui se noue entre les pupitres et les corps.
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Il y a de très belles idées. La plus forte résidant dans la relation entre le chef et la danseuse. David Greilsammer et «Pietra», habillés identiquement de blanc, sont engagés dans un rapport attraction-répulsion où le chef mène la danse et manipule la femme qu’il entraîne dans sa ronde musicale.
Avalée par l’orchestre
Fusionnelle, la relation n’en demeure pas moins abstraite. C’est que la soliste erre en solitaire dans son chassé-croisé avec le directeur musical. Et tourne éperdument entre les instrumentistes, sans tisser de liens véritables avec eux. Souvent de dos, les gestes secs et l’âme perdue, la danseuse semble avalée par l’orchestre plus qu’elle ne dialogue avec lui.
Visuellement, pourtant, les images sont puissantes, grâce à des éclairages imposants et à la chorégraphie bien menée de Julien Derouault. Vue de haut sur l’écran de télévision, l’organisation des lignes de jeu est claire, architecturée et fluide. A hauteur de caméra, le spectateur se perd dans la masse et la multiplicité des intervenants.
Le plus impressionnant reste l’incroyable cohésion instrumentale et l’ensemble absolument symbiotique des musiciens qui virevoltent, se couchent ou roulent sur des chaises en jouant la partition par cœur. Au point qu’on a le sentiment d’un play-back savamment dosé tant la cohérence sonore est parfaite.
L’impression se trouve attisée par les flottements et décalages de la première partie de soirée, où l’autre création mondiale – Reborn: jazz rhapsody, de Jérémy Bruyère – avait des airs de grande fête improvisée. Après un premier mouvement où la basse électrique du compositeur-musicien était un peu écrasée par une sonorisation désunie, le passage lent à la contrebasse et le final très rythmique ont fini par trouver le bon tempo entre l’orchestre classique et la partition jazz. Un équilibre délicat.
La saison de l’orchestre dansant
Cinq concerts «Prestige» rythmeront l’affiche 2021-2022 de l’orchestre genevois, avec comme toujours des artistes invités de renom dans un franc mélange de classique et d’autres musiques. En regardant le clip vidéo de présentation, on s’en demanderait même si le GeCa n’est pas devenu un ensemble de tout, sauf de classique.
Il faut dire que les propositions de jazz, flamenco, musique des Balkans, celte, rap, hip-hop, krump, chorégraphie, théâtre ou spectacle circassien occupent le devant de l’écran. Sans parler des séries «Concerts sauvages», «Underground» et «Famille» ou de la «Création exceptionnelle», qui partent à l’assaut des musiques du monde, de Daft Punk, Prince et Radiohead, de la jonglerie ou de l’acrobatie…
Sur la saison 2020-2021: Le GeCa se met à nu
On n’en oubliera pourtant pas le «grand» répertoire puisque le magnifique violoncelliste Truls Mork assurera l’ouverture, suivi par le baryton Yannis François ou le hautboïste Olivier Rousset à d’autres occasions. De son côté, David Greilsammer tiendra évidemment la baguette de tous les concerts où il a programmé Mozart, Haydn, Brahms, Strauss, Beethoven et Chostakovitch côté tradition.
Le retour du Fanny Ardant
Pour le versant métissé, le trompettiste Avishai Cohen reviendra dans L’Appel des vagues inaugural, et la chanteuse Dee Dee Bridgewater sera la star du deuxième rendez-vous, La Reine des dunes. Quant à La Fille du vent, ce sera Fanny Ardant, qui revient elle aussi pour déclamer Phaidra pour comédienne et orchestre, commande du GeCa à Bastien David, jeune compositeur né en 1990. Une Nuit des volcans qu’on imagine éruptive accueillera aussi le slammeur et auteur Abd al Malik.
Quant à la Revolta finale, on y renouera avec l’interprétation de l’orchestre en mouvement, devenue la spectaculaire signature de l’ensemble issu de tous les horizons. La 5e Symphonie de Chostakovitch fermera la marche dans une version chorégraphiée par Kader Attou avec quatre danseurs de hip-hop et de krump autour desquels évolueront les musiciens sans partition. Un nouvel exploit attendu de l’orchestre dansant, donné en création mondiale.