A Genève, un OSR «so british»
musique
AbonnéLa Grande-Bretagne était à l’honneur au Victoria Hall mercredi soir. Daniel Harding a nappé l’OSR d’une sauce anglaise inédite et onctueuse pour un concert repris ce jeudi soir à Lausanne, avec le trompettiste Hakan Hardenberger en soliste

Au salut, on pouvait lire «thank you» sur ses lèvres. S’il avait remercié le public avec des «merci», Daniel Harding, qui parle pourtant un français solide, aurait paru en décalage avec son programme. Le concert était en effet 100% britannique. Le chef en résidence de l’Orchestre de la Suisse romande (OSR), natif d’Oxford, y dirigeait deux œuvres de compatriotes.
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En ouverture, l’Essex était à l’honneur avec Mark-Anthony Turnage, né à Corringham. Créateur très prolixe, influencé par le jazz comme le répertoire classique, les musiques folkloriques, la littérature ou la peinture, le chercheur en composition nommé commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique en 2015 a notamment écrit trois concertos pour trompette. Le dernier, destiné comme les précédents au soliste suédois de la soirée, était donné à Genève en première audition suisse. Son titre? Hakan, du prénom du virtuose, aussi fin interprète que sensible et racé.
Tous les styles
Il faut un musicien de la trempe de Hakan Hardenberger pour interpréter cette pièce hautement technique, qui déroule sans repos des styles d’une grande variété. Inspiré du scat vocal autant que du jazz instrumental, le concerto explore tous les styles. Le trompettiste se lance dans des traits d’une volubilité incroyable de précision et son instrument semble parler en accéléré. Mais quand il se met à chanter, sur un socle mélodique plus lyrique, la pureté sonore et la brillance du timbre impressionnent. Il y a de la mélancolie et de la nostalgie dans le traitement orchestral de la formation en grand effectif. Mais aussi une densité, une rythmique, une percussivité et un éclat formidablement maîtrisés.
Les climats sont riches, le ton généreux. Et si l’abondance de lignes internes compose des bouillonnements complexes à rendre avec netteté, les puissantes montées de tension et les passages planants alternent savamment. Quelques réminiscences d’Ascenseur pour l’échafaud de Miles Davis ou de Summertime de Gershwin s’invitent entre des moments d’une grande intensité. Particulièrement dans le 3e mouvement. L’orchestre et la trompette s’y livrent un combat, comme dans le 4e Concerto pour piano de Beethoven. La masse écrasante du groupe finit par céder devant la beauté et les arguments si humains du soliste, avant de se trouver enfin en harmonie.
Grandeur et sentimentalité
L’harmonie, justement, est ce qui caractérise la 5e Symphonie de Ralph Vaughan Williams. D’abord dans le rapport vertical de la construction harmonique. Mais aussi dans l’aspect harmonieux des accords et des lignes mélodiques, issus des chorals d’église (vents royaux) et du souffle des grands espaces naturels (cordes aériennes).
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L’OSR et Daniel Harding rassemblent dans ces pages tout ce que le natif de Down Ampney sait insuffler de grandeur et de sentimentalité à ses partitions. On ne peut plus anglais que ce mélange de hauteur, de pudeur, de puissance et de solennité, sur un caractère fleur bleue.
Un peu long parfois dans le déroulement en boucle de certains thèmes, le discours offre une générosité de narration et de couleurs que le chef et l’orchestre modèlent avec ardeur. De l’affectivité vibrante d’un romantisme assumé aux douceurs éthérées de sonorités délicates, les musiciens et le chef évoluent avec une élégance très british.
100% British – Musique d’outre-Manche, Théâtre de Beaulieu, Lausanne, jeudi 6 avril à 20h15.