Cette dévotion, accordée en Inde à quelques dizaines d’interprètes de la musique classique hindoustanie, Chaurasia ne la cultive pas. Il rit, joint les mains. Et raconte volontiers l’histoire de son père, un lutteur musculeux, qui voulait faire de lui un combattant. Hariprasad Chaurasia, né en 1938, a développé sa capacité pulmonaire, enraciné sa pratique d’instrumentiste dans une maîtrise parfaite d’un corps voué à la grâce.
Dans cet enregistrement enfin édité de 1990, Hariprasad Chaurasia fait exactement ce qu’il sait. On raconte que, lorsqu’il doit enregistrer un raga, une composition, il s’enquiert auprès du technicien du temps exact qu’il lui faut pour remplir son disque et il se lance, sans interruption ni seconde prise, dans une version parfaite d’un morceau joué depuis des centaines d’années. Chaurasia est ainsi qu’il a défini pour sa génération le son le plus abouti de son instrument, le bansuri, outil krishnaïte par excellence.
Dans cette version d’un raga de l’après-midi tardif, Chaurasia bouleverse par sa précision émotionnelle, son génie de l’échappée belle, sa rigueur rieuse de lutteur impénitent.