Jim Sullivan, perdu dans le désert
Artistes comètes (6/8)
Après deux albums qui auraient pu lui ouvrir la voie du succès, le musicien californien a mystérieusement disparu en mars 1975

Pendant l’été, «Le Temps» raconte l’histoire d’un musicien qui a connu une carrière éphémère avant d’être redécouvert des années plus tard. Avec des destins singuliers et des albums cultes que le streaming permet enfin de (re)découvrir.
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C’est en mars 1975 que Jim Sullivan a mystérieusement disparu au bord d’une route de Santa Rosa, au Nouveau-Mexique. Certains pensent qu’il est allé se perdre dans le désert, volontairement. D’autres qu’il a eu maille à partir avec une famille de mafieux du coin; ou que les policiers qui l’avaient amené au poste pour vérifier son alcoolémie – il était totalement sobre ce jour-là – se sont vengés de lui pour une obscure raison. D’autres encore, certes très minoritaires, croient toujours qu’il a été enlevé par des extraterrestres.
Ce qui nous amène à son premier album, U.F.O. («Ovni»), sorti en 1969 et réédité en 2010 par l’indispensable label de Seattle, Light In The Attic. Dix titres, autant de singles en puissance, portés par une voix profonde et terriblement sensuelle, ainsi que des arrangements typiques de l’époque, avec des cordes perchées dans la stratosphère. Ce disque aurait dû devenir un classique, mais son destin est sans doute à marier à celui de son auteur. Jim Sullivan a longtemps été sur le point de rencontrer la gloire – il apparaît même furtivement dans le film de Dennis Hopper Easy Rider – sans jamais y arriver. Même si son deuxième album, passé lui aussi inaperçu en 1972, demeure un peu plus anecdotique.
«Il se passe un truc pas vraiment clair», chantait-il sur le sublime morceau-titre de U.F.O. De fait, ce funeste jour de mars 1975, on a retrouvé sa coccinelle Volkswagen intacte sur le bord de la route, avec sa guitare, son portefeuille et toutes ses affaires à l’intérieur. Sauf lui. Son manager a un jour rappelé une de leurs conversations de comptoir, sur ce que chacun ferait s’il devait disparaître pour de bon. Sullivan lui avait dit: «Marcher dans le désert et ne jamais revenir.» A priori inimaginable alors qu’il s’apprêtait à rejoindre sa femme et son fils. Mais voilà bientôt quarante-cinq ans qu’on l’a perdu, et on n’en saura sans doute jamais plus.
Prochain épisode: Jutta Hipp.