Wizkid, Burna Boy, Davido, Yemi Alade… Ces stars de la musique font partie de la nouvelle vague des artistes nigérians à succès. Tournées internationales, centaines de millions d’écoutes sur YouTube, collaboration avec des artistes américains et européens: l’engouement autour de l’afrobeats, leur style musical, ne cesse de se confirmer.

Né il y a une quinzaine d’années, l’afrobeats est bien différent de son homonyme (sans s), popularisé dès la fin des années 1960 par Fela Kuti et le batteur Tony Allen, décédé en fin de semaine dernière. L’afrobeat d’alors était une fusion de différentes sonorités comme le funk, le jazz ou encore les musiques d’Afrique occidentale. Quarante ans plus tard, l’afrobeats mêle des influences allant des folklores nigérians et ghanéens au hip-hop.

Hommage: Tony Allen, tambour battu

A la différence de son prédécesseur, l’afrobeats ne véhicule pas le même engagement social et politique. Sur des tempos rapides, il exhorte à danser, à célébrer l’amour, l’argent et l’insouciance. Bref, des thèmes en phase avec l’époque et fonctionnant aussi bien au Nigeria qu’en Suisse. Selon Yann Laville, codirecteur du Musée d’ethnographie de Neuchâtel, «les musiques légères se vendent mieux que celles appelant à la révolte ou à l’introspection. Il suffit de jeter un œil aux programmations des radios, des télévisions et des festivals pour s’en convaincre. Le phénomène est encore plus marqué au sujet des musiques qui nous paraissent venir de loin: on y projette l’image de peuples gais, sensuels, exubérants… C’est un peu le «bon sauvage» revu à la sauce musicale.»

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Même si l’afrobeats d’aujourd’hui est très éloigné de la musique de Fela Kuti, les références et les hommages pullulent. Wizkid, une des figures de proue de cette nouvelle génération, avait ouvert son concert au Royal Albert Hall de Londres avec le titre Lady du «Black President». Un des singles les plus écoutés au Nigeria en 2018, Ye de Burna Boy, était également un hommage au chanteur et saxophoniste.

Un succès multifactoriel

Plusieurs explications sont avancées lorsqu’il s’agit de comprendre l’engouement autour de ces nouvelles stars nigérianes. La première est celle de leur positionnement sur le marché américain à la faveur de duos prestigieux, à l’image du single One Dance de Drake avec Wizkid, en 2015. Davido a, de son côté, signé plusieurs titres avec le rappeur Young Thug. Autre collaboration plus récente, Be Honest, duo Burna Boy avec l’Anglaise Jorja Smith, sorti l’été dernier. Pouvoir collaborer avec des figures déjà reconnues à l’international ouvre inévitablement des portes, tout comme le fait de chanter en anglais – ce que font la plupart des artistes d’afrobeats.

Une autre explication est liée à la situation autant économique, sociale que culturelle du Nigeria. La taille de la population (plus de 195 millions d’habitants) mais aussi son pouvoir d’achat, supérieur à celui de la plupart des autres pays africains, pourraient expliquer l’importance culturelle du pays. Plus globalement, le «géant d’Afrique» pourrait jouer un rôle de leader, sur le continent, dans le monde musical.

Reportage: Accra for Africa

Une étude menée par l’entreprise d’audit PriceWaterhouseCoopers (PWC) en 2016 estimait déjà que l’industrie musicale nigériane pourrait peser au moins 86 millions de dollars en 2020. Et certaines grandes entreprises en ont déjà pris conscience: Universial Music Group a créé à Lagos une division dédiée au Nigeria.