Lisa Simone, pudique et bouleversante

On l’attendait avec impatience, cette «fille de» précédée d’échos flatteurs. D’abord attentif, vaguement interloqué, le public qui s’est pressé mardi au Victoria Hall de Genève a finalement offert une «standing ovation» à cette Lisa Simone qui a su s’y faire, bien plus qu’aduler, amoureusement adopter. Un «veni, vidi, vici» dans les règles. On peut mettre en avant son charme naturel, son bagage professionnel considérable – la dure mais si imparable école des comédies musicales de Broadway. A 54 ans, le rejeton passablement éprouvé de Nina Simone possède ce qu’on appellera, faute de mieux, un charisme. En attestent par exemple ces moments où, renonçant brusquement à «faire le show», elle se retranche discrètement derrière une sorte de recueillement dont le rayonnement nous atteint.

Cette lumière intérieure est, n’en doutons pas, la force qui l’habite depuis longtemps dans sa vie. Sur scène, elle explique ce sentiment de communion, presque d’énergie spirituelle qui irradie et permet de transcender un répertoire à moitié convaincant. On déplore d’autant plus ces quelques fadaises platement consensuelles qu’elle se montre par ailleurs capable, dans l’un ou l’autre blues intensément éructé, d’émouvoir comme seule une diva sait le faire. Mais c’est peut-être précisément cette étiquette de diva dont elle ne veut pas, pour en avoir connu les implications auprès de sa mère.

Comment l’épingler, alors? Ni phénomène vocal à la Cécile McLorin Salvant, ni produit calibré à la… (la liste est longue), Lisa Simone fait figure de Norah Jones black que n’aurait pas (encore?) confisquée le showbiz. Elle suggère, sans l’imposer, l’image d’une féminité à la fois gracieuse, infiniment, et forte, revanche probable sur les épisodes amers d’un parcours existentiel déstabilisant. Cela passe de façon diffuse dans un tour de chant qui en devient presque prétexte à une confession pudique mais bouleversante. Dans ce registre risqué, elle peut idéalement s’appuyer sur un trio (guitare-basse-batterie) homogène auquel le batteur Sonny Troupé, authentique pépite rythmique, confère une respiration à toute épreuve.