Les fêtes de Noël (et le désarroi – disons-le! – des maisons de disques qui exploitent leur fond de catalogue) occasionnent une moisson de rééditions plus ou moins joliment empaquetées. Harmonia mundi a conçu un très bel objet qui réunit quelques fleurons de l’opéra baroque. Pas de CD alignés à la queue leu leu dans des jaquettes sommaires, mais des pochettes en carton pour chaque ouvrage sélectionné. Les opéras sont classés par nation et compositeur (Italie, France, Angleterre, Allemagne), avec des textes introductifs puis un CD-Rom à part qui contient les textes des livrets.
René Jacobs domine la masse des enregistrements, suivi de peu par William Christie. Au rayon «Italie», Monteverdi est largement représenté. On y trouve l’Orfeo, non pas dans la première version CD de Jacobs, mais en DVD, dans le spectacle onirique de Trisha Brown filmé en 1998 à La Monnaie de Bruxelles, avec l’excellent Simon Keenlyside dans le rôle-titre. Le Couronnement de Poppée (en CD avec Danielle Borst et Guillemette Laurens), mais aussi Le Combat de Tancrède et Clorinde, le sublime madrigal Hor che’l ciel e la terra et le Lamento d’Ariane complètent cet hommage à Monteverdi. Quant à l’opéra vénitien de Cavalli, l’exquise María Bayo chante les charmes pastoraux de La Calisto (avec Simon Keenlyside en Mercure). S’y ajoute encore Griselda d’Alessandro Scarlatti, dernier opéra conservé du maître chanté par Dorothea Röschmann et d’excellents solistes.
Harmonia mundi ne pouvait passer sous silence le mythique Atys de Lully, ressuscité en 1987 à l’Opéra-Comique de Paris par William Christie et le metteur en scène Jean-Marie Villégier, qui fit sensation à l’époque. Il s’agit de l’enregistrement CD d’origine (le spectacle a été repris il y a deux ans), complété par Médée et Le Malade imaginaire de Charpentier, Idoménée de Campra et une autre tragédie lyrique bien plus connue, Les Indes galantes de Rameau, le tout par Christie et ses «Arts Flo».
Haendel, compositeur allemand établi à Londres où il fit carrière et fut naturalisé, est classé sous le rayon «Angleterre». Hélas, harmonia mundi a retenu le Giulio Cesare de Lars Ulrik Mortensen, filmé en 2005 au Théâtre royal de Copenhague (un double DVD), avec un Andreas Scholl trop lisse et une mise en scène assez indigente de Francisco Negrin, au détriment de la superbe version studio de Jacobs en 1991 (avec Jennifer Larmore en Jules César).
On retrouve en revanche le Rinaldo du même Jacobs, aux voix certes moins glamour que dans l’enregistrement concurrent de Christopher Hogwood, réalisé à quelques années auparavant chez Decca (avec David Daniels et Cecilia Bartoli), mais à la théâtralité bien plus inventive. Pas d’Agrippina, mais Flavio, toujours de Haendel, qui a ses charmes même si ce n’est pas un chef-d’œuvre. Venus and Adonis de John Blow et Didon et Enée de Purcell, dans la version Jacobs avec Lynne Dawson en Didon, complètent ce volet anglais.
L’opéra allemand occupe le quatrième et dernier volet. A nouveau René Jacobs se taille la part du lion, avec Croesus de Reinhard Keiser (1674-1739) qui fit parler de lui à sa parution, ou l’ Orpheus de Telemann, servis par d’excellents chanteurs comme Dorothea Röschmann, María Cristina Kiehr, Romand Trekel et Werner Güra. Attention aux doublons avec d’autres rééditions parues chez harmonia mundi: pour le reste, c’est que du bonheur!
Opéra baroque, 17 opéras. 39 CD et 3 DVD. Harmonia mundi/h.m.- Musicora. Env. 120 francs