musique
La déclinaison «covid compatible» du festival lémanique a démarré vendredi avec un projet du batteur Alberto Malo. Les festivités se poursuivent ce week-end avant de reprendre en fin de semaine prochaine

Des gens qui se prennent dans les bras, s’embrassent ou se serrent la main. Il régnait vendredi soir à Cully, sur les rives d’un Léman illuminé par une belle lune, une douceur de vivre qui rappelait enfin – en comité certes plus restreint – le monde d’avant. Pour pénétrer dans l’enceinte bar et restauration du Cully Jazz Festival, en version redimensionnée et décalée de cinq mois, il faut présenter un passe sanitaire permettant de recevoir un bracelet rouge ayant fonction de feu vert. Ensuite, place à la fête…
Heureux de retrouver à cette seule condition une liberté totale – pas de distance ni de masque, même dans les deux salles payantes intérieures (Temple et Next Step) –, le public affichait pour cette première soirée sourires et décontraction de circonstance, en mode Balade des gens heureux. Même sentiment de renaissance du côté des musiciens. Au Next Step, le batteur Alberto Malo est venu présenter M-A-L-O, une création unique. Au-delà du plaisir de retrouver enfin la scène, on a également senti au début du concert une certaine tension, comme le trac d’une toute première fois.
Territoires atmosphériques
Venu en voisin, il habite littéralement à quelques mètres de la salle, le batteur vaudois a pour l’occasion pris la tête d’un quartet composé des musiciens Antoine Guenot et Andrew Audiger, à la programmation et aux synthétiseurs, et parfois à la guitare pour le premier, ainsi que du chanteur et MC Londonien Infinite Livez, que l’on avait déjà régulièrement entendu au sein du projet «Stade» de Pierre Audétat et Christophe Calpini.
Portrait: Alberto Malo, tambour battant
Musicien de studio et de scène prisé, souvent au service de Rodolphe Burger comme de Sophie Hunger, Alberto Malo a publié l’an dernier l’album The Underdog, avec Infinite Livez déjà, présenté comme le premier chapitre d’une série de quatre projets personnels. Mais pas trace de cet enregistrement lors d’un concert culliéran entièrement composé de morceaux inédits – même si on y a bien sûr retrouvé ce qui fait la réussite des quatre longues plages de The Underdog. A savoir une envie d’explorer des territoires atmosphériques qui se soustraient à toute tentative de classification rationnelle, une appétence pour une musique souvent planante qui prend aux tripes, pour autant qu’on cherche moins à la comprendre qu’à la ressentir.
Une certaine idée du jazz
Ce qu’a proposé M-A-L-O n’est ni du jazz, ni de l’électro, ni du rap, ni du trip-hop, ni de l’ambient – mais c’est un peu tout cela à la fois. Un voyage aux confins des musiques improvisées et programmées, de l’expérimental et du viscéral. Tandis qu’Infinite Livez fait de sa voix un instrument à travers une succession de boucles, Alberto Malo use d’une batterie «customisée» – il y a ajouté des pads électroniques – pour explorer un large spectre sonore et régulièrement casser le rythme, décaler le tempo. Il y a bien dans son projet une certaine idée du jazz consistant à constamment prendre des chemins de traverse.
Egalement à Cully: Ballaké Sissoko, kora corps
Arrivé au troisième tiers du concert, alors qu’une certaine monotonie guettait, le batteur a invité sur scène deux Genevois, la chanteuse soul-R’n’B Evita Koné et le rappeur Dr Koul. La voix chaude de la première et le flow du second ont alors apporté au groupe une intensité nouvelle, comme une urgence qui a culminé avec un titre percutant apparemment intitulé Energy. Quoi de mieux pour lancer ce Cully Jazz Estival, conçu non pas comme la 39e édition du Cully Jazz Festival, mais comme un aparté avant ce tant attendu vrai retour à la normale?
Un second week-end de musique
La fête se poursuivra ce samedi soir et dimanche avec notamment la kora hypnotique du Malien Ballaké Sissoko et une création du pianiste Gauthier Toux avec Billie Bird et Anne Paceo, laquelle présentera également un projet entre hip-hop, jazz et du rock. Le festival se mettra ensuite en pause jusqu’à jeudi prochain, pour entamer alors un second week-end qui verra le quartet du saxophoniste italien Stefano di Battista rendre hommage à Ennio Morricone ou encore la chanteuse franco-camerounaise Sandra Nkaké présenter [ELLES], un projet célébrant les femmes qui l’ont inspiré, de Joni Mitchell à Björk, en passant par Nina Simone ou Emily Loizeau.
Cully Jazz Estival, sur deux week-ends jusqu’au 29 août.