Danitsa, KT Gorique, Billie Bird, Black Sea Dahu, Emilie Zoé… faire la liste, c’est s’enorgueillir: les talents féminins sont nombreux sur la scène romande. Nombreux, mais encore largement invisibilisés: selon l’association et plateforme Helvetiarockt, la scène pop, rock et jazz n’est toujours occupée que par 15% de femmes et, pour le secteur de la production, ce chiffre plonge à 2%. Un déséquilibre criant qu’Helvetiarockt s’emploie à rectifier depuis plus de dix ans, grâce entre autres à des ateliers de coaching pour compositrices et musiciennes.

Soutenir, rassembler, mettre en lumière: Helvetiarockt infuse à présent ses missions dans un nouveau projet. Music Directory, lancé cette semaine, est une base de données nationale regroupant les femmes, mais aussi les personnes trans, intersexes et non binaires actives dans l’industrie musicale suisse – sur scène comme en coulisses.

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Avec une simple recherche, ajustable par canton ou profession, on tombe ainsi sur des dizaines de profils d’artistes mais aussi de professionnel(le)s de la technique, du management ou de la programmation musicale suisses. «L’objectif est double: d’un côté, cet outil digital permet de visibiliser les femmes et les minorités de manière très concrète, note Elodie Romain, coordinatrice de la campagne de Music Directory. De l’autre, il favorise l’interaction et la mise en réseau dans un espace sûr, à un moment où il est particulièrement difficile de se rencontrer.»

«On est bien là»

Précieux outil de travail, Music Directory souhaite aussi atteindre les passionné(e)s – qui seront peut-être les expert(e)s de demain. «Pour une jeune, découvrir que la technicienne de Sophie Hunger est une femme, par exemple, l’aidera à réaliser que c’est possible, souligne Elodie Romain. Les modèles positifs invitent au mimétisme.» Un manque d’exemples qui enraye encore les rêves. Violoniste jazz (elle se produira le 30 octobre au Casino de Montbenon) et enseignante, Yilian Cañizares, désormais répertoriée par Music Directory, le constate chaque année. «Ma classe est composée en grande partie de filles, mais quand on arrive en classe pro, comme sur scène, on en voit déjà beaucoup moins. Je me dis que ce projet, c’est aussi une preuve concrète qu’on est bien là, qu’on le fait!»

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Etre là, pour Nadia Mitic, programmatrice au Port Franc de Sion et cofondatrice de l’agence Glad We Met, a parfois eu des airs de bataille. «Quand j’avais 20 ans, il était encore inimaginable d’être agente ou programmatrice. Les femmes, on les trouvait à l’accueil des artistes, au bar, à la promotion. Si j’avais su plus tôt que cette carrière m’était ouverte, peut-être le chemin aurait-il été plus simple.»

Nadia Mitic espère aussi que cet annuaire pourra servir de guide aux responsables de salles au moment d’engager de nouveaux collaborateurs ou collaboratrices. «C’est un peu comme lorsqu’on fait à manger: on cuisine toujours les mêmes plats parce qu’on a les ingrédients sous la main et qu’on n’a pas besoin de réfléchir. Au contraire, le projet invitera peut-être à tenter de nouvelles choses!» A savoir, des personnalités riches et diverses pour une scène musicale plus égalitaire – l’appel est lancé. Avec un premier objectif pour Music Directory: atteindre un millier de profils d’ici un mois.