Avec de nouvelles scènes et A-ha en vedette, le Montreux Jazz retrouve la flamme
Festival
Après deux ans où il fut chahuté par la pandémie, le festival lémanique inaugurait vendredi une 56e édition capitale. Nouvelles scènes gratuites, vernissage de la Lake House et A-ha faisant fondre le cœur des quinquas au Stravinski. Un retour réussi

Du monde partout: autour du 2m2c, sur les quais, dans les parcs et face aux scènes gratuites dont certaines, nouvelles, sont comme posées sur le lac. Après deux années de disette où, entre frustrations et ténacité, le Montreux Jazz Festival a été forcé d’imaginer de nouveaux formats, on le découvre radieux, exactement comme si la pandémie n’avait jamais frappé.
L’appétit ici est boulimique. Jusqu’au 16 juillet, la manifestation vaudoise aligne 450 événements pour lesquels on ne déboursera pas 1 franc. La plupart se tiennent dans la Lake House, soit le Petit Palace reconfiguré en poumon culturel du festival. On s’y balade un moment, découvrant une bibliothèque joliment décorée, un cinéma de poche, un club de blues-jazz ou encore cette terrasse où, à l’heure de l’apéro, s’enregistrent en public des podcasts. On y croise le DJ américain Carl Craig. Puis on file écouter Fishbach annoncée en concert sur une scène sponsorisée. Convaincante, dans les effluves de cuisine et face à une foule compacte, la rockeuse joue son classique A ta merci. Derrière se dessinent les Alpes dans une lumière de fin de journée à tomber. On rejoint le Stravinski.
De la pop solide aux refrains taillés pour les stades
On découvre une salle bondée. Invités à ouvrir les feux de cette édition du «retour à la normale», selon Mathieu Jaton, patron du Montreux Jazz, les Norvégiens de A-ha font le plein, la moyenne d’âge du public se situant bien au-dessus de la cinquantaine. A priori, on n’attend rien de particulier des gars d’Oslo dont on ne suit plus les aventures depuis trois décennies au moins. Dans un climat de curieuse dévotion, certaines fans s’avérant frappées d’hyperventilation, on s’apprête pourtant à goûter à un solide récital pop.
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T-shirt sombre, bras musclés comme des melons, une main constamment fourrée dans la poche avant de son pantalon, le chanteur Morten Harket occupe le centre de la scène avec une nonchalance curieuse. Pour l’encadrer, le claviériste Magne Furuholmen et le guitariste Pal Waaktaar-Savoy. Excepté quelques crises ou séparations momentanées, ce petit monde se côtoie depuis quarante ans. Et cela se sent dès les premiers instants d’un concert autoritaire, au répertoire bien plus sophistiqué que le seul Take on Me (1986), tube immense, ne le laisse soupçonner.
Du synth-blues Sycamore Leaves à Crying in the Rain, reprise de Carol King (dont les premières mesures évoquent bizarrement Stripped de Depeche Mode), les Norvégiens conduisent en maîtres leur vaisseau vers des territoires exaltés, parfois brouillés. Les introductions sont dark. Les refrains épais. On se laisse prendre. Défilent Train of Thought et ses reliefs électros, You Have What It Takes, bel extrait d’un énième album annoncé à l’automne, ou plus tard Here I Stand and Face the Rain, pièce orageuse durant laquelle Harket, geste impensable d’ordinaire, enlace ses compères.
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Mais quelque chose gronde au creux du Stravinski. La plupart de celles et ceux venus ici entendent bien célébrer leur adolescence morte tandis que résonnerait à fond Take on Me. A-ha s’amuse des nerfs à vif et prolonge un peu l’attente, interprétant The Living Daylights, chanson moche composée pour un James Bond mineur en 1987. Vient le rappel et avec lui The Sun Always Shines on TV, autre giga-hit, qui fait cette fois danser les balcons et arrache des cris d’extase jusqu’aux derniers rangs. On est au bout. Le public le sait. Au premier galop du beat de Take on Me, une joie juvénile cette fois balaie tout.