La pandémie module aussi nos habitudes de streaming
Musique
En temps de confinement, la musique s’écoute différemment. Sur les plateformes de streaming, on observe une légère baisse mais, surtout, un retour aux titres calmes et nostalgiques

Si le coronavirus cloue encore la plupart d’entre nous à la maison, le monde du streaming, lui, continue de survoler les frontières. Mardi, Apple Music, deuxième plateforme de musique à la demande derrière Spotify, s’étendait à 52 nouveaux pays, principalement africains – réalisant la plus grande expansion de ses services à de nouveaux marchés depuis dix ans.
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Une conquête menée malgré la crise économique générale, et le léger coup de mou accusé par le streaming: fin mars, plusieurs géants du secteur relevaient en effet une baisse du volume d’écoute (selon le magazine Rolling Stone, le nombre de streams aux Etats-Unis avait chuté de 7,6% la première semaine de confinement, faisant écho aux 10% de baisse enregistrés par le Français Deezer à la même période). Surprenant, alors que le télétravail nous permet, pour une fois, de vivre avec les basses à fond?
Plus de radio
Pas tant que ça. Car la pandémie a bousculé nos quotidiens et, avec eux, nos habitudes d’écoute. «La consommation de contenus audio via internet a basculé du streaming de musique vers la radio», les confinés souhaitant se tenir au courant des dernières nouvelles, évalue Abhilash Kumar, analyste auprès de la société d’étude Counterpoint dans un post publié début avril.
L’impact de la mobilité réduite s’est aussi fait sentir. «Les gens ne vont plus au travail, or on estime à une heure et demie en moyenne le temps de trajet domicile-travail», une tranche habituellement dédiée à l’écoute de musique, a expliqué Louis-Alexis de Gemini, directeur général de Deezer, à l’AFP, précisant que la situation s’était depuis stabilisée.
Madeleine musicale
La musique s’écoute autrement en confinement, et cela se ressent jusque dans le choix des morceaux. Chez Spotify, on note un boom des playlists, ces listes de lecture thématiques. Particulièrement, la tendance est aux playlists douces ou acoustiques, celles liées aux tâches ménagères (du type cooking), mais aussi des compilations de morceaux des années 1950 ou 1980.
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«La nostalgie est un mécanisme assez caractéristique de la musique qui, comme les odeurs, nous renvoie à des événements du passé», explique Didier Grandjean, professeur ordinaire au Centre Interfacultaire en Sciences Affectives et au Département de Psychologie de l'Université de Genève. «Avec la pandémie, nos routines ont été modifiées et nous faisons face à l'incertitude. Nous écoutons des musiques anciennes, que nous connaissons, pour y trouver une forme de réassurance.»
S’écouter avant tout
En activant notre système de récompense, la musique est capable de générer des émotions très intenses – mais aussi d’apaiser. «L’an dernier, une méta-analyse que nous avons menée a pu démontrer que la musique provoquait une réduction de l’anxiété», souligne Didier Grandjean. «Le rythme d’un morceau est important car il reflète celui du corps, qui varie selon nos émotions. Les musiques lentes, par exemple, permettent de le calmer.»
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Alors, classique, jazz et ballades pour soigner notre «corona-angoisse»? Pour Serge Ventura, directeur de l’école romande de musicothérapie, il n’y a pas de formule sonore toute faite. «Nous avons tous une identité musicale propre, liée à notre culture, notre vécu, et certains sons nous attireront plus que d’autres. Le seul conseil serait donc de s’écouter pour choisir la musique qui nous fera du bien et nous permettra de nous retrouver.»